Guernesey, 30 octobre [18]67, mercredi, 7 h. ½ du m[atin]
Victoire, mon cher bien-aimé, je viens d’assister à tes évolutions gastronomiques et même, il m’a semblé que, sous prétexte de te moucher magistralement, tu agitais ton mouchoir de mon côté comme si tu avais la conscience que je te voyais. Cette illusion, si c’en est une, m’a ravi le cœur et l’âme et j’en suis toute fière et toute heureuse. J’espère, d’après l’heure normale de ton lever ce matin, que tu as passé une aussi bonne nuit que moi et je t’en félicite. Tu as dû être très content de ta soirée hier, mon cher grand petit homme, car elle a été, grâce à ta gaîté et à tes libéralités, tout à fait joyeuse et charmante. Pour ma part, je te remercie d’être venu en aide à ma déplorable chance, en remplaçant mes vingt sous de perte par neuf sous et DEMI de BÉNEF. Louange à toi et à ta générosité au plus haut du nain jaune et gloire au sept, sans huit, qui te favorise entre tous ! Puisse-t-il persévérer dans sa préférence pour toi et puissé-je empocher à présent comme hier et toujours dans les siècles des siècles, in secula seculorum. Amen, ainsi soit-il. Je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16388, f. 263
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette