28 juillet 1855

Jersey, 28 juillet 1855, samedi après-midi, 1 h. ½

Je suis loin d’avoir fini mes tripotages, mon cher petit homme, et déjà je suis exténuée de fatigue, ce qui diminue singulièrement mon envie de courir la prétentaine. Aussi il serait très possible que je ne sorte pas du tout aujourd’hui. Telle est ma force. Quant à toi, je veux dire VOUS, vous ferez bien de relever la pauvre M^me Charrassin de sa faction aujourd’hui. En allant la voir une bonne fois pour toutes. En somme, ça n’est pas plus difficile que d’aller à Elysée ou dans Don Joad, telle est du moins mon humble opinion.
Je viens de prendre mes informations auprès du bonhomme du Heaume qui est chargé de la mise à l’eau du bâtiment en question ; la LANCE sera faite à six heures et demi précises du matin, mardi prochain et un vapeur viendra le remorquer jusque dans le port. Maintenant il s’agit d’être exact au rendez-vous si vous pouvez tous tant que vous êtes. Quand à moi, je suis comme on dit, sur les lieux et rien ne m’empêche d’être réveillée dès patron-minette. J’irai ce soir avertir sérieusement tous les Dulac, grands et petits, et fixer l’heure du déjeuner avec eux. Il vous sera loisible d’aller prendre un bain dans l’entracte. En attendant, je vous aime à force de cœur et d’âme. Tâchez d’en faire seulement la moitié autant pour moi de votre côté et de prendre vos restitus au croc quand je les y mets ou je ne vous en ferai plus du tout. Sur ce, je vous laisse in naturalibus comme un bonum que vous n’êtes pas.

Juliette.

BNF, MSS, NAF 16376, f. 297-298
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa