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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 février [1836], jeudi matin, 9 h. ½

Bonjour mes chers petits amis, comment avez-vous passé la nuit, mes pauvres petits bien-aimés ? J’ai bien pensé à vous toute la nuit. Je me suis réveillée bien souvent pour vous plaindre et pour vous aimer. Aussi, ce matin j’ai un mal de tête effroyable, c’est à croire que je vais rester au lit. Il me semble que si vous alliez mieux ce matin et que j’en eusse la certitude, cela me calmerait et dissiperait cette calotte de plomb que j’ai sur la tête. Pour cela il faudrait que mon grand Toto vienne me voir une seule minute ce matin, ce qui n’est pas probable, donc je garderai mon mal de tête.
Pauvre petit homme chéri, j’ai bien été injuste hier, et tu as été bien bon, toi. Je l’ai bien senti et je t’en ai remercié dans le fond de mon cœur. Tu as bien fait de venir hier au soir, tu m’as fait du bien. Je n’aurais pas pu reposer de la nuit avec le souvenir de mon injustice sur le cœur et la crainte que ton enfant ne soit plus malade. Merci mon cher bijou, merci mon cher adoré.
Pauvre ami, j’ai un si grand mal de tête que je ne sais pas ce que je t’écris, mais je sais que je t’aime de toute mon âme, cela me suffit et je ne m’inquiète pas du reste. Je suis sûre qu’il y aura toujours : je t’aime dans la lettre et c’est tout ce que j’ai à te dire, tout ce que je veux te dire.
Si Mme Lanvin vient, j’enverrai Claire chez son père, avec les petites instructions relatives à nos affaires.
Il faut cependant que je me lève. En vérité, je ne sais pas comment faire, je n’y vois pas et je suis imbécilea. Pour me donner des forces et du courage, je vais penser à toi et puis je vais t’aimer encore plus.

Juliette


BnF, Mss, NAF 16326, f. 67-68
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

a) « imbécille ».


4 février [1836], jeudi soir, 9 h.

Je t’écris un peu plus tard que d’habitude, mon cher bien-aimé, parce que le dîner est venu tard et que les Lanvin ne viennent que de partir.
Je t’aime mon Toto chéri. Si tu étais bien gentil, tu viendrais t’en assurer en chair, en os et en âme ce soir.
Je suis bien contente que notre pauvre petit Toto aille mieux, cela te permettra de venir un peu plus tôt, et j’espère que je pourrais dormir cette nuit car depuis que ce pauvre petit ange-là est malade je ne peux pas dormir tranquille.
Mon petit bien-aimé, tu as bien parlé tantôt à Mme Lanvin. Comme je t’admirais, comme j’étais fière de toi. Je pensais qu’il n’y avait que toi au monde pour être aussi noble et aussi généreux dans tes paroles et dans tes actions, abstraction faitea de ta belle figure et de ton génie.
Je t’aime mon Victor. Je te dis toujours la même chose avec les mêmes mots parce que je n’ai qu’un sentiment, l’amour, et que je n’ai pas d’esprit pour le dire de toutes les façons.
Je suis comme une belle fille qui n’aurait qu’une robe pour toute toilette, moi je n’ai qu’un mot pour te dire tout mon cœur : Je t’aime, et puis je t’aime, et puis encore je t’aime.
Viens de bonne heure mon Toto, nous serons bien heureux.

J.


BnF, Mss, NAF 16326, f. 69-70
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

a) « abstractions faites ».

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