Guernesey, 6 octobre 1862, lundi matin, 8 h.
Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour avec toutes les tendresses de mon cœur et de mon âme. J’espère que tu as passé une aussi bonne nuit que la mienne et que toute ta journée sera à l’unisson. Je viens de constater avec un profond regret que la copie de ton petit livre [1] est pour moi presque impossible parce qu’à part trois ou quatre choses vraiment écrites par toi tout le reste est illisible, absolument illisible pour moi. J’en suis d’autant plus fâchée que j’espérais petit à petit rentrer dans ta confiance et mériter de copier peu à peu et à la suite des autres tes manuscrits. Je crains qu’il n’en soit rien et que ta volonté bien arrêtée soit de ne plus m’employer sérieusement. Peut-être as-tu raison, mais je n’en suis que plus triste. Cependant, mon cher bien-aimé, je ne veux pas te forcer à m’employer, je veux au contraire tâcher de m’habituer si c’est possible à ma complète inutilité dans ce monde. C’est une bonne préparation à la mort prochaine.
BNF, Mss, NAF 16383, f. 202
Transcription de Camille Guicheteau assistée de Guy Rosa