Guernesey, 21 juin 1862, samedi matin, 7 h. ½
Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour. Mon âme se tourne vers toi dans la tristesse comme dans la joie car c’est de toi que me vient la force, le courage et la résignation contre les épreuves douloureuses de la vie ; et c’est de toi seul aussi que me vient le rayon, la lumière et l’amour. Ne t’inquiète pas, mon doux adoré, si je te parais aujourd’hui un peu triste, c’est-à-dire recueillie et pieuse devant cette date [1] qui me rappelle un grand désespoir et une grande espérance : tâche surtout de ne pas y faire allusion devant nos hôtes de ce soir, que cela troublerait inutilement. Ma pensée est triste et calme et mon cœur plein de foi. Je t’aime et je prie. Tu vois que je ne souffre pas et que je pourrai au besoin te sourire ce soir. Jusque là, pense à moi, mon bien-aimé, et aime-moi et bénis-moi comme je te bénis.
Tu as paru regretter un peu la partie Jersey [2]. Il est encore temps d’y revenir et cela ne peut que te faire du bien malgré et peut-être même à cause des petits ennuis que tu pressens dans ta présence à Jersey, car l’important pour ta santé n’est pas tant de t’amuser que de rompre pour un moment avec tes habitudes. Quanta à moi je suis toute prête à t’accompagner là comme ailleurs, pourvu que tu te portes bien et que tu sois heureux.
BNF, Mss, NAF 16383, f. 159
Transcription de Camille Guicheteau assistée de Guy Rosa
a) « quand ».