Jersey, 8 février 1855, jeudi après-midi, 3 h.
Il paraît que je n’ai plus le droit d’être FAIBLE sur ce papier à cornets ? Alors on s’y conformera et l’on verra du style corsé, FOUILLÉ, SCULPTÉ, ET TARABISCOTÉ. Ah, bon ! voici que vous venez M’INTERROMPRE un bon moment. Et puis vous vous plaindrez du peu de suite de ma restitus. A qui la faute ? Le plus souvent que je vous écrirai en fin comme une simple et stupide gribouille que je serais dans ce cas-là, pendant que vous mettez des cravates de moire en aile de moulin, que vous PENCHEZ à droite et à gauche et que vous envoyez des poulets et des baisers aux bas bleus [1] de toutes les nuances et de toutes les nations. Je ne suis pas encore assez serinea pour cela. Aussi je me propose de remplacer ma restitus (qui nuit à l’action comme la musique de Boieldieub au poème de Scribe [2]) par une bonne trique AD HOC et à dos de Toto dont je vous écrirai tous les jours quelques suaves strophes sur les épaules. Savez[-vous] qu’au train dont vous menez, je distance tous les CORNIPEDUM [3] connus et à connaître ? Ce genre qui peut avoir son charme dans le Paradis des GUEULES qui baisent et DES NIMBES CORNUS est très mélancolique sur la terre, même dans une île anglaise. Aussi je vous conseille de n’en pas abuser envers moi et de garder des proportions honnêtes et modérées dans vos monstrueux libertinages si vous tenez à votre vie et à la mienne.
Juliette
BNF, Mss, NAF 16376, f. 62-63
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa
[Blewer]
a) « serinne »
b) « Boyeldieu »