Guernesey, 8 mars 1861, vendredi matin, 9 h.
Bonjour mon cher adoré, bonjour. Puisses-tu avoir passé une bonne nuit comme je te l’ai si ardemment et si tendrement souhaitée hier, en te quittant. Le temps n’est pas bien bon pour toi ce matin, mon pauvre souffrant, mais j’espère qu’avec un peu de précaution, tu ne t’en ressentiras pas. Cher adoré, soigne ta santé, c’est-à-dire, aime moi, car mon bonheur et ma vie dépendent de ta santé et de ta propre vie. Je sens que je te dis mal ce que je pense si bien, c’est que je suis tiraillée en ce moment par le tonneliera qui ne sait comment s’installer pour tirer cette grosse pièce de vin. Ça n’est pas en effet très commode, dans ma petite maison, et il faut plus que de la bonne volonté pour en venir à bout ; tu en pourras juger toi-même tout à l’heure si tu peux toutefois entrer dans la cuisine sans accrocher quelques raffuts ou casser des bouteilles. Et à ce propos et même sans ce prétexte, je te rappelle, mon cher bien-aimé, qu’il serait probablement très facile d’avoir de l’eau de Bussang à Jersey. Il suffirait pour cela d’en charger un des deux Asplet [1]. Pourquoi ne pas le faire, ne fût-ce que pour en avoir la conscience nette ? À ta place, je n’hésiterais pas, moi. Justement les Duverdier qui s’en vont, dit-on, dans trois ou quatre jours, ils ne demanderont certainement pas mieux que de te rendre ce très bon service qui peut avoir pour toi un très bon résultat. Pensez-y, mon bien-aimé et pardonnez-moi d’insister jusqu’à l’impatience.
BnF, Mss, NAF 16382, f. 66
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Florence Naugrette
a) « tonnellier ».