Paris, 25 février 1882, samedi matin, 8 h.
Cher bien-aimé, je t’ai laissé en bonnes dispositions de sommeil tout à l’heure. J’espère que tu les mettras toutes à profit pour t’en faire l’appoint de ta nuit qui a été moins que quelconque. Je vois s’approcher avec une joie mêlée d’inquiétude la journée de demain [1] car je crains qu’il ne s’ajoute beaucoup de fatigue pour toi au bonheur de te sentir fêté, admiré et adoré par tout un monde représentant tout un siècle de gloire pour toi. Aussi je voudrais être déjà à lundi pour être bien sûre que tes forces n’ont pas faiblia au choc de tant d’émotions diverses. Moi-même j’ai peur de n’être pas aussi vaillante que je voudrais. Mais n’anticipons pas [2], il sera toujours assez temps de m’avouer ma faiblesse. En attendant, je fais force de rame et de voile pour doubler le cap de ton anniversaire. Après nous verrons où nous en serons tous les deux. MAIS JE TE PRÉVIENS que tu auras à me payer une petite lettre demain en échange de ma GRANDE. Te voilà averti et tu sais ce que vaut un homme averti. Je ne te dis que ça : je t’adore.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16403, f. 7
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette
a) « faiblis ».