Guernesey, 13 mai [18]63, mercredi matin, 7 h.
Bonjour, mon bien-aimé, bonjour et bonheur si, comme ta pantomime me le laisse entrevoir à distance [1], tu as passé une très, très, très bonne nuit et si tu n’as pas mal à la tête. Tu avais hier l’œil droit un peu congestionné, peut-être ferais-tu bien si cela dure encore de prendre un bain de pied ce matin car c’est un signe que le sang te porte à la tête et il ne faut pas l’y laisser. Si j’étais auprès de toi, je m’en serais assurée et j’aurais pu te conseiller avec un peu plus d’opportunité qu’à présent où tout ce que je dis ne sert à rien qu’à tenir de la place dans mon gribouillis sans utilité pour toi. D’un autre côté, il m’est bien impossible de te dire autre chose que ce qui est la préoccupationa présente de mon cœur et de ma pensée : le soin et la conservation de ta santé. J’espère que, magnétiquement, tu songeras à faire ce qu’il faut pour t’épargner des maux de tête et d’yeux, l’hydrothérapie comprise. Et puis je compte beaucoup sur l’exercice que tu pourras faire aujourd’hui que le temps paraît revenu au beau. Quant à moi, je te promets d’être prête à l’heure que tu voudras. Nous en conviendrons tantôt. Jusque là je te recommande de te bien soigner et de m’aimer si tu veux que notre pacte dure encore une fois autant que celui que nous avons passé ensemble depuis 1833 jusqu’en 1863 avec l’amour pour appui et pour guide comme aujourd’hui.
BnF, Mss, NAF, 16384, f. 124
Transcription de Chantal Brière
a) « préocupation ».