Guernesey, 31 janv[ier] [18]63, samedi, 1 h. ¾ après midi
J’ai essayé vainement tout à l’heure d’attirer votre attention par la fenêtre, mon cher petit homme, pendant que vous écriviez sur votre genoua et que vous regardiez le petit vapeur remorquant un navire désemparé et que le Weymouth stationnait à l’embarcadère. De guerre lasse et voyant que ma télégraphie n’était même pas aperçue de vous, je suis redescendue ici d’où je vous gribouille mes regrets le sourire sur les lèvres, comptant bien me rattraperb ce soir à la soupe. Pour cela je fais force de poêles et de lèchefrites, tâchant de stimuler le zèle de ma serventre [1], ce qui n’est pas une petite besogne, je vous assure. Enfin ce ne sera pas de ma faute si le régal n’est pas à la hauteur de ma bonne volonté. Je vous demande d’avance indulgence et bon appétit. De mon côté j’aurai toute la bonne humeur dont je suis capable et surtout tout l’amour que je contiens : corps, cœur et âme.
J.
BnF, Mss, NAF, 16378, f. 27
Transcription de Chantal Brière
a) « genoux ».
b) « rattrapper ».