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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 mars 1849

17 mars [1849], samedi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon cher doux adoré, bonjour, joie et bonheur à ton réveil et toujours. Je te bénis, je te baise et je t’adore. J’étais loin de m’attendre que tu reviendrais hier au soir, aussi ai-je été bien agréablement surprise et bien heureuse quand tu es arrivé pour passer le reste de la soirée avec moi. Merci, mon grand Toto, merci, mon sublime amour, merci. Si j’avais de l’argent, je t’achèterais ta galerie de portraits. Dans l’espoir d’y parvenir, je tâche de gagner le gros lot de Petit-Bourg [1], tu vois que j’y mets bien de la bonne volonté. Pour cela il faut que tu m’apportes une série de cinq billets GAGNANTS et mes deux [un dernier  ?] [illis.] [20 sous  ?] d’appoint. Je ne peux pas m’en passer et pour cause, et puis j’espère que tu auras la délicatesse de me donner les vrais bons billets, les autres étant des attrapesa. J’y compte et c’est dans cette double intention de gagner pour t’acheter tes dessins que je fais le monstrueux sacrifice de mon tigre à cinq griffes [2] sans savoir comment j’y suppléerai d’ici au 1er avril. Enfin c’est comme cela est, ce ne serait pas la dernière fois que l’ambition aura perdu une faible femme. Taisez-vous et attendez que je sois riche pour faire du commerce avec moi. Maintenant baisez-moi et soyez heureux du bonheur immense que vous m’avez donné hier. Je baise vos perfections les unes après les autres, dussé-jeb y passer le reste de mes jours.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 51-52
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « attrappe ».
b) « dussai-je ».


17 mars [1849], samedi, midi ½

J’espère que tu voudras bien m’emmener avec toi tantôt, mon cher petit homme, aussi je me dépêche à m’apprêter pour que tu n’aies aucune objection à me faire. Je voudrais tant reprendre mon cher petit trajet quotidien que, quoique nous soyons à la fin de la semaine, je n’en essayerai pas moins à faire usage de mes pieds [3]. Il faudra que la torture des brodequins soit bien forte pour m’empêcher de sortir avec toi aujourd’hui : avec cela qu’il n’y a pas à compter sur un rabibochage ce soir. Le bal des petits-bourgeois s’y oppose. Donc il faut que j’aille prendre mon bonheur moi-même tantôt, au lieu de t’attendre chez moi comme une bête. Avec cela que vous faites faire à Paul [4] le service de CHAUMONTEL or j’aime mieux ne pas lui donner cette peine et faire moi-même cette corvée. Vous verrez d’ailleurs que je ne m’en acquitterai pas trop mal même avec des mauvais pieds. Et puis vous savez que ce n’est pas la mère à boire, j’aime assez l’orthographe involontaire, je ne la rétracte pas et je redis que : ce n’est pas la MÈRE à boire mais le plus souvent des FILLES À CROQUER. Vous voyez que je connais à fond le service CHAUMONTEL et que je peux m’y utiliser avec de la persévérance et de la bonne volonté. Maintenant j’espère ne pas trouver un obstacle insurmontable dans mes affreux pieds, ce dont vous seriez aussi content que j’en enragerais davantage. Que je vous voiea, affreux garnement, et vous aurez affaire à moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 53-54
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « voye ».

Notes

[1La société de Petit-Bourg est une œuvre philanthropique en faveur des enfants pauvres et des jeunes délinquants. Victor Hugo en est le président depuis le 28 mai 1848.

[2Nom plaisant donné à une pièce de cinq francs.

[3Juliette Drouet se remet d’une crise de goutte longue et douloureuse.

[4À identifier.

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