7 septembre 1858

Guernesey, 7 septembre 1858, mardi matin, 8 h.

Bonjour, mon bien bien-aimé, bonjour de toutes mes forces si tu es en état toi-même d’en soutenir le choc ce matin. Bonjour de tout mon cœur et de toute mon âme dans tous les cas. Le jeune Allix m’a dit hier soir que ton bobo avait plutôt diminué qu’augmenté et que ta plaie serait fermée dans trois ou quatre jours. J’espère que ce jeune docteur ne se trompe pas et que tu seras débarrassé de toutes tes souffrances, grandes et petites, d’ici à la fin de la semaine. Le bon Dieu te doit bien cela, mon pauvre martyr, sans compter la joie que ta guérison fera à tous ceux qui t’aiment et à moi plus qu’à tout le monde. Et à ce sujet, je compte envoyer un potage à Kesler et deux ou trois œufs frais ce matin. Il paraît que c’est une indigestion d’après ce que le docteur Terrier a dit au jeune Allix, ce qui n’est pas inquiétant. J’espère même qu’il sera suffisamment guéri pour dîner demain avec nous. Quant à mes jeunes convives d’hier [1], elles se sont en allées comblées de l’honneur d’avoir porté ta santé et de mon hospitalité. La plus jeune a emporté son bouquet en triomphe, disant qu’elle le ferait sécher pour le conserver toujours par amour pour monsieur Hugo qui le lui avait donné plus que monsieur Allix puisque c’était lui qui avait eu l’idée de la courte paille. Vous voyez, mon cher adoré, la subtile distinction de la naïve Jersiaise mais je n’en suis pas fâchée, au contraire, car je vous adore plus que jamais.

Bnf, Mss, NAF 16379, f. 255
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette