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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 mars 1845

26 mars [1845], mercredi matin, 11 h.

Qui paie ses dettes s’enrichit. C’est surtout en amour que ce proverbe est vrai, mon adoré, car mon cœur se trouvera plus riche tout à l’heure de toutes les tendresses qu’il t’aura donnéesa.
Bonjour, mon Toto chéri, bonjour, mon bon, mon beau bien-aimé, bonjour, je t’adore. Tout ce que tu m’as dit hier est essentiellement bon, noble, juste et généreux. Je t’en remercie du fond du cœur et je suivrai en tout tes bons conseils. Quand je te verrai tout à l’heure, mon Victor, je serai la plus heureuse femme du monde de te montrer ma reconnaissance. En attendant que tu viennes, je m’occupe de toi, je t’aime et je te désire. C’est ce que je fais depuis le matin jusqu’au soir sans jamais me lasser.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 227-228
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « donné ».


26 mars [1845], mercredi matin, 11 h. ½

Tu ne peux pas t’imaginer, mon bien-aimé, quelle figure grotesque, grognon, grippée, grimaude et griffagne fait ta pauvre Juju dans ce moment-ci. Pour cela, il faudrait que tu voies SON MÉNAGE, ce fameux ménage si cher et si choyé dans le plus piteux état du monde..... Encore et plus que jamais, les fumistes, les tuyaux de poêle épars sur le plancher, la scie, le plâtre, la fumée encombrant et obscurcissant toute la maison ! Vrai, je suis très malheureuse, mon Toto, et j’ai bien besoin que tu me plaignes. Si la cheminée ne va pas cette fois, je suis très décidée à ne plus rien y faire faire. J’aime mieux renoncer à jamais faire de feu dans le salon que de prolonger davantage ce hideux et sale supplicea de maçons et de fumistes. De deux maux, je choisirai le moindre. J’aurais même dû commencer par là et ne rien tenter d’inutile. La maison est trop vieille et se lézarde au fur et à mesure qu’on la recrépit.
Cher bijou, je ne te raconte que mes trente-six infortunes. Je finis par en devenir une moi-même et presque uneb calamité. Je t’en demande pardon, mais j’ai pour excuse deux affreux incidentsc dont un seul suffirait pour rendre une femme stupide : le rhume de cerveau et les fumistes. Je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 229-230
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « suplice ».
b) « presqu’une ».
c) « incident ».


26 mars [1845], mercredi soir, 9 h. ¾

Je viens de finir de copier, mon cher adoré, et je te demande bien pardon de t’avoir fait attendre aussi longtemps après ce petit bout de copie. Une autre fois je serai moins empêchée. Il faut bien l’espérer. Mais, que je te dise à genoux, et mes yeux sur tes yeux, mon âme dans ton âme, combien ce que tu as fait tantôt pour cette pauvre femme [1] m’a pénétrée de reconnaissance et d’adoration. Je n’ai pas de mots qui puissent exprimer ce que je sens pour toi, mon Victor, de plus encore qu’à l’ordinaire. C’est plus que du respect, plus que de la vénération, plus que de l’admiration, c’est de l’amour le plus tendre, le plus reconnaissant et le plus dévoué qui ait jamais existé. Si le bon Dieu est juste, cet argent si courageusement et si péniblement gagné, cet argent si noblement et si généreusement donné doit porter bonheur à cette malheureuse femme et l’aider à sortir de son affreuse position. J’ai prié le bon Dieu de tout mon cœur dans cet espoir.
Cher adoré, toute ma vie, tout mon sang, tout mon amour pourra-t-il jamais te payer assez de tout ce que tu fais pour moi ? Il y a des moments où j’en doute. C’est quand je crois que tu ne m’aimes pas. Mais il y en a d’autresa aussi où je suis sûre que si, car je sais comment et combien je t’aime.
Je t’attends, mon Victor, tâche que ce ne soit pas en vain. J’ai plus que jamais besoin de te voir. Mon cœur déborde d’amour, mes lèvres ont soif de ta bouche, mon cœur aspire à ton cœur, tout mon être est tourné vers toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 231-232
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « d’autre ».

Notes

[1À élucider.

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