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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 mars 1845

5 mars 1845, mercredi midi

Bonjour, mon Toto aimé, bonjour, mon Toto adoré, bonjour, mon ravissant petit homme, comment vas-tu et comment m’aimes-tu ce matin ? Moi je vais très bien, à l’onglée près, et je vous aime de tout mon cœur.
Dites donc, mon Toto, vous avez oublié vos gribouillis cette nuit. Si je les jetaisa au feu pour me réchauffer, cela servirait à deux fins : à me réchauffer, d’abord, et à vous donner du souci, ce qui ne serait pas inutile. J’ai bien envie de le faire. Heinb ? ... Faut-il ? ......c Voime, voime, vous feriez semblant de vous fâcher et vous seriez trop content au fond. Je ne veux pas vous donner ce petit plaisir-là. Je veux vous laisser la peine de les emporter en tas. Cela vous attraperad bien davantage.
À propos, qu’est-ce qu’il faut que je dise à Mme Luthereau pour sa tapisserie ? Est-ce que tu es assez gouliaffe pour dévorer ce tapis du XVIIIe siècle ? Ici je ne parle pas du tort que tu fais à la mère Luthereau qui n’en fait aucun cas, avec raison peut-être cette fois. Ce n’est donc pas sur elle que je cherche à t’attendrir mais dis-moi si tu en veux, oui ou non, afin que je lui réponde dans un de ces deux sens. En attendant, je vous attends. Vous attendrai-jee encore longtemps, scélérat ?

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 151-152
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « jettais ».
b) « heim ».
c) Six points créent une pause syntaxique.
d) « attrappera ».
e) « attendrais-je ».


5 mars 1845, mercredi après-midi, 4 h. ¼

Cher petit bien-aimé adoré, vous êtes mon Toto chéri mais cela ne m’empêche pas d’avoir eu le courage de refuser la tapisserie de cette pauvre Mme Luthereau. Si on vous laissait faire, vous dévaliseriez toute la nature. Je m’y oppose cette fois, le XVIIIe siècle aidant. Toto est vexé, vive Toto. Ia, ia, Monsire, Matame, il est sans sarme.
Je suis bien aise, mon Toto, d’avoir rencontré ton approbation à propos de Claire et des enfants de M. Pradier et je me maintiens plus que jamais dans mon idée d’éloignement pour le projet de SON PÈRE. Ma pauvre fille n’y gagnerait RIEN, au contraire. Aussi je vais faire tout mon possible pour que ce projet ne reçoive pas son exécution. Ma pauvre péronnelle en sera triste pendant quelque temps, mais j’aime encore mieux cela que de la voir aux prises un jour avec l’ingratitude et la calomnie. Je sais trop ce qu’on en souffre pour l’y exposer sciemment.
Mon Victor adoré, plus que jamais je te respecte, je te vénère, je te bénis et je t’adore. Tu es mon soutien, mon guide, mon ange gardien. Tu es la lumière de ma vie et la joie de mon âme. Sans toi, j’aurais été perdue. Ton amour m’a sauvée. Sois béni, mon Victor, pour cette noble et sainte action. Sois heureux autant que tu es honoré, grand et sublime. Tu as la beauté d’un ange et la bonté de Dieu.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 153-154
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

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