30 décembre [1848], samedi matin, 8 h. ½
Bonjour, mon ineffable bien-aimé, bonjour, le plus doux et le généreux des hommes, bonjour, le plus grand et le plus sublime génie, bonjour, le plus beau des anges, bonjour, je baise ton divin front et tes chers petits pieds.
J’ai un peu mieux dormi cette nuit grâce à la bonté si tendre et si calme que tu m’as montrée hier. Ta généreuse noble nature ne se dément jamais. Tu as beau être en proie à toutes les calamités publiques ou privées qui rendent les hommes méchants et égoïstes, tu n’en es que plus bienveillant et plus admirablement doux et charmant.
Sois béni, mon adoré sur la terre et dans le ciel et que ma reconnaissance, mon amour et mon adoration se fondent en joies et en bonheursa de toutes sortes pour toi et pour ta chère famille.
J’ai fait hier au soir le petit travail de défalcation d’une part de ton lit et du mien, et l’addition des journées d’Eulalie, tout cela joint aux 821 francs du précédent déménagement donne un total de 836 francs. Il resterait encore 104 francs d’amplification mais il y a une pièce de plus tendue. Et en regardant avec attention le dernier mémoire de Jourdain, je ne trouve en double emploi et en façons exagéréesb que 83 francs. Je t’expliquerai cela mieux de vive voix et puis je joins ici la chose écrite afin que tu voies par toi-même.
Mais ce que tu ne verras pas, ce que je ne peux pas te montrer, c’est mon cœur plein d’amour, c’est mon âme toute resplendissante d’adoration, c’est que je voudrais vivre et mourir pour ton service. Mon Victor, mon Victor, je t’aime, je t’aime, je t’aime.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16366, f. 388-389
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette
a) « bonheur ».
b) « façons exagérés ».
30 décembre [1848], samedi midi
Je suis prête, mon bien-aimé, si tu viens tout de suite je pourrai en te quittant aller à Saint-Mandé [1]. J’aimerais mieux y aller aujourd’hui dans l’après-midi que demain matin à cause du dimanche et que je désirerais voir M. le curé. Cependant ça n’est pas probable à moins que tu n’aies affaire de bonne heure à l’Assemblée et puis le temps n’est rien moins qu’engageant. Enfin je suis prête et je t’aime à plein cœur. Tu viendras quand tu pourras, le plus tôt sera le plus béni.
Tu sais que j’ai fait ce travail de comparaison entre les deux anciens mémoires de Jourdain et le nouveau, et que je ne trouve que 83 francs à déduire dont 30 francs de double emploi. Je ne sais pas s’il consentira à une grande réduction. J’en doute en voyant le résultat de mes recherches. Cependant il est bon que tu me donnes ton mémoire. Tu sais que je ferai tous mes efforts pour arriver à une diminution significative. C’est pour cela qu’il est bon que tu me donnes ton mémoire à comparer. Mais ce qui rend le mien si lourd, c’est la façon entière de mon lit et des 8 rideaux du salon et de la salle à manger, plus les fournitures indispensables. Puis il me semble que tes ouvrières ne sont pas comprises dans ce mémoire ni les fournitures de mercerie, par conséquent, ni les fournitures de clous, de pattes, de vis, de gonds etc., puisque je crois me rappeler que tu payais tout au fur et à mesure. Tout cela s’ajouterait en plus à mon mémoire plus une centaine de francs pour toi. J’insiste sur tous ces détails pour que nous sachions bien à quoi nous en tenir l’un et l’autre sur les prétentions de Jourdain et surtout pour diminuer d’autant ton fardeau. Mon adoré, je t’aime plus que [illis.].
BnF, Mss, NAF 16366, f. 390-391
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette