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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 avril [1846], mardi matin, [10h  ?] ¼

Bonjour mon petit Toto, bonjour mon adoré, bonjour toi, bonjour vous, bonjour mon orgueil, bonjour ma gloire, bonjour ma joie, bonjour mon bonheur, bonjour mon amour, bonjour mon tout, comment vas-tu ce matin ? Je te souhaite toute la santé et tout le bonheur du monde, tu n’en auras jamais autant que je t’aime.
Tu as eu mille fois raison de me résister hier, mon bijou bien aimé, je reconnais que cela n’était pas possible raisonnablement. Le désir de te plaire me fait désirer souvent de me parer des plus belles choses que je vois, sans réflexion autre que celle de te paraître jolie n’importe à quel prix. Heureusement que tu as de la raison pour nous deux et que tu m’empêches de faire des folies que je regretterais très amèrement une fois qu’elles seraient faites, à cause des conséquences qu’elles entraîneraient avec elles. Aussi je te remercie du fond du cœur et avec la plus tendre reconnaissance de me résister avec courage. Ô je t’aime mon Victor, mon généreux homme, et tout ce qui m’entoure te respecte, te vénère, t’admire et t’aime comme ce qu’il y a au monde de plus noble, de plus généreux, de plus grand, et de plus doux. Mon Victor béni, mon adoré, mon ravissant petit homme, je baise tes pieds avec dévotion.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 377-378
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette


14 avril [1846], mardi soir, 8 h. 

J’ai à peine eu le temps de te voir, mon cher bien-aimé, et Dieu sait pourtant si j’en avais envie et besoin. Si tu es bien inspiré, mon doux aimé, tu viendras de bonne heure ce soir. J’ai tant tant besoin de te voir. Me revoilà en possession de ma pauvre péronnelle. Si j’en croyais Mme Marre, cette pauvre enfant serait dangereusement malade mais j’aime mieux avoir confiance en Dieu et croire qu’il ne m’enverra pas un chagrin au-dessus de mes forces [1]. Elle n’a pas voulu que j’écrive à M. Triger ce soir. Elle veut voir ce que lui dira le médecin de son père [2]. En attendant, elle m’a demandé de la tisane, du sirop de guimauve que je viens de lui faire acheter pour sa toux. Du reste, elle n’a rien pu manger à dîner, pas même de son fameux pain d’épice. Elle devient dans le même moment blême et coquelicot et puis elle n’a aucune énergie morale et physique, elle est dans une atonie complète. Cela peut s’attribuer à l’absence presque complète de nourriture et aux accès de fièvre qu’elle a presque toutes les nuits. Enfin mon cher adoré, sans être précisément inquiète sur l’issu de cette indisposition, j’en suis toute attristée dans l’âme et je voudrais être à demain soir pour savoir ce que cet homéopathe pense de cela. Et puis je voudrais être au moment de te voir car tu es ma joie, ma confiance, et mon bonheur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 379-380
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

Notes

[1La tuberculose qui emportera Claire en juin se manifeste depuis une quinzaine de jours, mais n’a pas encore été diagnostiquée.

[2James Pradier veut que sa fille consulte un homéopathe (discipline en vogue).

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