Guernesey, 18 janvier 1858, lundi soir, 6 h.
Ne sois pas si triste, mon bien-aimé, reste avec tes fils et avec tes amis autant que tu le pourras, pour t’empêcher de souffrir trop vivement de l’absence de ta femme et de ta fille [1].
Mon cœur est avec toi, quant à mon courage, je te trouve [plusieurs mots illisibles]. Sois heureux et je serai forte. En attendant que tu aies organisé et régularisé l’emploi de tes soirées je suis résignée à ma solitude et je la supporterai le plus que je pourrai et à bras tendu plutôt que de t’importuner de mes exigences et de mes jérémiades.
Je viens de passer par une espèce de cauchemar dont tu as eu malheureusement le contrecoup. Mon pauvre bien-aimé, maintenant qu’il est dissipé et que la crise nerveuse est calmée je viens honteusement et bien tendrement t’en demander pardon. Tu peux juger de l’étendue [plusieurs mots illisibles] par l’intensité de ma folie et de ma méchanceté. Mais rien ne peut te donner la nature de mon amour, pas même la violence de ma jalousie. Je t’aime, mon Victor, au-delà de toute appréciation humaine. Je t’aime plus que plein mon cœur et plein mon âme. Je t’aime au-delà de ma raison. Je t’aime [plusieurs mots illisibles].
BnF, Mss, NAF 16379, f. 15
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette