[Paris], 25 nov[embre 18]78, lundi matin, 6 h.
Cher bien-aimé, où en es-tu de ta nuit ? Est-ce que, toi aussi, tu vas prendre la stupide habitude de ne pas dormir ? Il faut laisser cela à ceux qui comme moi n’ont rien de mieux à faire que de brûler leur chandelle par les deux bouts pour pouvoir arriver plus tôt à la fin des fins de leur triste bout. Dors, mon grand petit homme, afin de réparer tes forces pour le nouveau chef-d’œuvre dont tu t’occupes en ce moment [1]. Conserve ta santé, conserve la paix de ton esprit et de ton cœur et aime-moi loyalement comme tu me l’as promis religieusement quand je croyais que tu ne m’aimais plus et que je voulais m’éloigner de toi pour te laisser le champ libre d’être heureux comme il te plairait. Cette offre je te la fais encore, je te la ferai toujours, pour t’épargner la honteuse et inutile cruauté de me tromper de nouveau [2]. Je te supplie, au nom de tout ce que tu crois, de tout ce que tu vénères et espèresa sur la terre et au ciel, ne me trompe pas. Respecte mon amour. Que je puisse t’aimer, t’estimer, t’adorer et te bénir jusqu’à mon dernier soupir. Ne t’impose aucune contrainte de nature à te diminuer à tes propres yeux. Sois heureux sans moi si tu le veux et si tu le peux, mais honnêtement et à ciel ouvert. « Dis ce que tu fais ; fais ce que tu dis » et quelle queb soit ta sentence je m’y soumets d’avance devant Dieu auquel je crois.
BnF, Mss, NAF, 16399, f. 190
Transcription de Chantal Brière
[Souchon, Massin]
a) « espère ».
b) « quelque ».