Guernesey, 10 sept[embre 18]78, mardi matin, 6 h. ½
Où en es-tu de ta nuit et de ton rêve, mon cher bien-aimé ? Je voudrais le savoir pour t’envoyer, si c’est possible, un bonjour s’y adaptant sans trop de disparate. En attendant, et malgré l’état inquiétant du ciel, l’air est rempli de joyeuses fanfares d’un trippe [1] se dirigeant sur Jersey. Je lui envoie, d’office, de ta part et de la mienne, tous les vœux de bon départ et d’heureux retour. Ces vœux ne sont d’ailleurs que l’excédenta de ceux qui remplissent mon cœur pour la prompte arrivée de ton cher Paul Meurice et de Lockroy que sa femme [2] espère voir demain. Toutes ces aimables invasions, désirées et attendues, vont faire une charmante diversion à la monotonie de ta vie ici et aux moroses préoccupationsb de ta pensée que tous les efforts de ta cordiale hospitalité ne parviennent pas à dissimuler, surtout à moi qui t’aime jusque dans les replis les plus obscurs de ton âme à mes risques et périls. Je prie Dieu de te conserver en santé, en gloire et en bonheur autant que je t’aime, que je te bénis et que je t’adore.
Monsieur
Victor Hugo
Hauteville House
Syracuse
Transcription de Gérard Pouchain
[Barnett, Pouchain]
a) « excédant ».
b) « préocupations ».