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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 janvier [1848], samedi matin, 9 h. ½

Bonjour, mon doux adoré, bonjour, mon âme, bonjour. Comment vas-tu ce matin ? Moi je t’aime, voilà mon bulletin pour aujourd’hui. Tu as mille fois raison dans tout ce que tu dis, mon adoré, mais l’impression reçue, bonne ou mauvaise, ne dépend ni de la raison ni de la volonté. Ce n’est qu’après coup qu’on peut réagir sur soi-même. C’est aussi ce que j’ai fait quand tu m’as eu quittée hier au soir.
J’ai très peu dormi cette nuit, à cinq heures et demie on attelait sous ma croisée et je n’ai pas pu me rendormir après. Aussi ce matin je suis presque aussi lasse que si j’avais passé la nuit. Je compte me rattrapera la nuit prochaine mais en attendant je fais une pauvre Juju.
Il est probable que j’irai demain au service de cette pauvre femme [1]. C’est une marque de respect que je veux lui donner à moins que tu ne t’y opposes, ce que je ne crois pas. Il y a des choses qu’il faut savoir faire dans la vie et le respect des morts est plus qu’une chose de convenance, c’est un devoir. Du moins voilà comment je le sens. Du reste je ne sais pas pourquoi je te parle de cela à toi, mon pauvre bien-aimé, qui a tant de chosesb dans l’esprit et dont la vie suffit à peine pour ton sublime travail. Je devrais ne jamais faire que te baiser.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 23-24
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « rattrapper ».
b) « tant de chose ».


22 janvier [1848], samedi soir, 4 h. ½

Je t’ai vu, mon bien-aimé, et le jour s’esta fait dans ma vie. Depuis hier il me semblait que tout était noir au-dedans de moi. Depuis tout à l’heure un rayon de soleil me réjouit l’âme. Merci, mon doux adoré, merci de me l’avoir apporté, merci de tout mon cœur et de tout mon amour.
J’ai bien réfléchi à ce que tu m’as dit sur Mme Tr… [2] mais en vérité cela ne dépend pas de moi du tout et toute ma bonne volonté ne peut me servir qu’à saisir une occasion si jamais elle se présentait, ce dont je doute un peu. Je te promets de la guetter et au besoin de la faire naître s’il s’entrouvre la plus petite possibilité. Tu vois que pour n’être pas en métal d’ALGER [3], je suis d’une assez bonne COMPOSITION. Je te conseille de ne pas me changer contre qui et quoi que ce soit car tu y perdrais, je t’en réponds. Je me connais, c’est un bon conseil que je donne en te disant de me garder. Il faut que tu aies bien besoin de TONIQUE pour t’amuser à courir la prétentaine [4] par cette température d’ours blanc. Tâche de ne pas t’enrhumer parce que je ne rirais plus au contraire. Et même je te ficherais des bons coups pour t’apprendre une autre fois à garder le coin du feu avec moi. Sur ce baisez-moi et revenez bien vite, je vous attends.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 25-26
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « c’est ».

Notes

[1Mme Burgot, décédée la veille.

[2Il s’agit sans doute de Mme Triger.

[3« Composition métallique qui imite grossièrement l’argent. » (Littré)

[4Faire sans cesse des escapades. (Littré)

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