17 août [1841], mardi après-midi, 2 h. ½
Je suis toujours faisant mon petit merdinage en poussant toujours mes petites coliques les unes au bout des autres [1]. Du reste ça va bien. J’espère que je pourrai copier un peu aujourd’hui, à moins que le mal de tête n’augmente, auquel cas je me croiserai les bras car je suis incapable de rien faire de bon dans ce moment là. Il fait du reste encore un temps bien bon pour la recette de Ruy-Blas ce soir [2]. Quel bonheur si cela peut durer un mois ainsi, cela nous mettraita un peu de BAUMEb dans nos épinards (légume que préfèrent les femmes) [3]. Ia, ia, vieux sagoin, je t’en ficherai des calemboursc libidineuxd. Pour quoi faire, je vous le demande un peu, tu ferais bien mieux d’avoir un peu moins de langue et un peu plus d’action, blagueur que vous êtes.
Il paraît que vous vous êtes dispensé de prendre ma lettre hier. Au fait je comprends bien cela mais je comprendrais aussi bien que vous me dispensassieze de vous écrire, ce serait du papier, de l’encre et du temps d’économisés et bien des bêtises épargnées, bien des cuirs ménagés, bien de l’amour inutilement jeté devant un cochon qui ne se donne même pas la peine d’en approcher son groin. Taisez-vous, affreux bonhomme, vous ne méritez pas les sottises qu’on vous dit, à plus forte raison les compliments. Viens me demander un aillet, scélérat, tu verras comme je te recevrai et comme je ne t’en donnerai pas [4]. Ia, ia monsire Dodo, tâchez de venir souper ce soir car je vous ai acheté un tas de fricassée et de fruits qui seraient perdus. Et puis je vous aime toujours plus, brigand.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16346, f. 155-156
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « mettrais ».
b) « BEAUME ».
c) « calembourgs ».
d) « libidneux ».
e) « dispenssassiez ».