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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 mars 1843

13 mars [1843], lundi matin, 11 h. ¼

Bonjour, mon Toto adoré, bonjour, mon cher bien-aimé, comment vas-tu ? Croirais-tu que je ne me souviens pas si tu m’as dit positivement, car je sais bien qu’il en a été question, s’il fallait que Mme Lanvin allâta chez toi aujourd’hui à midi ? À tout événement je te l’enverrai lorsqu’elle sera revenue de reconduire Claire.
Je n’ai pas demandé, parce qu’il me semble que cela va sans dire, si j’aurai une place ce soir. Cependant je regrette de ne m’être pas informéeb de ce fait qui m’intéresse tant. Je crains que tu ne m’oublies et que tu ne t’autorises de ma confiance imprudente pour me dire que tu n’as pas pensé à moi. Mais dans tous les cas, mon cher amour, où vous m’auriez joué ce tour infâme, je ne vous laisserais pas aller au théâtre sans moi. J’y suis décidée, vous m’emmènerez avec vous et vous me placerez dans un coin quelconque. Je dirai même à la mère Lanvin de vous demander, si elle vous voit, si vous avez pensé à moi.
Voilà ma pauvre péronnelle [1] rebouclée et moi bien contente de lui avoir fait voir mes sublimes Burgraves. Tant pis pour le Carême mais je tenais à lui faire cette joie tout de suite à cette pauvre enfant. J’y ai parfaitement réussi, je n’ai jamais vu une enfant plus impressionnée et plus stupéfaite d’admiration que ma pauvre péronnelle samedi soir.
Mais moi, moi, mon Toto chéri, je n’ai pas assez vu, pas assez entendu, pas assez admiré Les Burgraves. Il me faut encore ma représentation de ce soir et bien d’autres avec pour satisfaire une partie de ma curiosité, de mon admiration et de mon bonheur. J’irai à pied et je reviendrai à pied avec un chapeau sur la tête et une vraie chaussure aux pieds. J’irai comme tu voudras, pourvu que j’y aille et que tu sois avec moi. N’est-ce pas, mon Toto, que tu m’emmèneras encore ce soir et tous les autres soirs où on jouera ta pièce ? Pense, mon adoré, que privée depuis si longtemps du bonheur de t’aimer en chair et en os, je suis avide de tout ce qui est toi ; et entendre et applaudir tes admirables vers, c’est encore une manière de faire l’amour. Ne m’ôte pas cette joie, mon adoré, je t’en prie à deux genoux.
As-tu pris un peu de repos cette nuit, mon cher petit homme ? Il me semble que tu dois être un peu moins encombré que ces jours derniers ? Pauvre ange, il est bientôt temps de penser à toi maintenant que ta pièce est lancée, que tes épreuves sont à peu près corrigées car tu dois être épuisé de fatigue physique et morale. Pauvre adoré, je voudrais te bercer dans mes bras. Je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 227-228
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « allasse »
b) « informé »

Notes

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