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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 30 août 1856, samedi après-midi, 3 h. ½

Tu ne t’aperçois pas, mon petit homme, que c’est toujours mon tour à garder la maison et que tu ne m’as pas encore fait sortir une seule fois sérieusement de l’année. Il n’y a pas de jour qui ne t’apporte un plaisir ou une distraction sous la forme dîner, soirée, musique, visite et le reste. Et moi, je suis toujours de plus en plus seule par tous les temps, par tous les lieux et à toute heure. Cette vie morne, sédentaire et sans utilité me pèse à de certains moments jusqu’à la laisser tomber dans le plus profond découragement. Aujourd’hui entre autresa, je succombe sous le poids de mon ennui. Il me semble que mon âme est scellée dans un cercueil de plomb qui lui intercepte l’air, le soleil, l’amour et le bonheur. Tout cela te paraît bien ridicule, j’en suis sûre, mon pauvre trop aimé, et tu dois me trouver bien injuste et bien déraisonnable dans mes plaintes et dans mes tristesses. Aussi, je voudrais pour tout au monde pouvoir prendre mon mal en patience et te montrer une restitus gaie et une figure épanouie. Je vais essayer avec ce qui me reste de papier et de courage. À propos, j’ai reçu une lettre désolée de cette pauvre mère Lanvin sur les dégâts arrivés à mes affaires. Je regrette maintenant de lui avoir fait cette confidence qui paraît l’affecter plus que la chose ne vaut. Quant à moi, si j’étais entièrement libre de mes actions, je ne pousserais pas la chose plus loin et je m’empresserais de tranquilliser tous ces gens-là, ne fût-ce que pour la peine qu’ils ont prise dans cette affaire. Je ferai pourtant ce que tu voudras et je ne t’en aimerai pas moins.

Juliette

Bnf, Mss, NAF 16377, f. 225
Transcription de Mélanie Leclère, assistée de Florence Naugrette

a) « entr’autre ».
b) La lettre est suivie d’une feuille comportant le dessin d’un homme-animal tenant une enveloppe ainsi libellée : « Via London, Franc Paris. Madame. Madame H. Bertaut [1], chemin de ronde de Passy ».

Notes

[1Mme H. Bertaut, amie d’Alexandre Dumas (Jean-Marc Hovasse, Victor Hugo, Tome II, « Pendant l’exil I (1851-1864) », Paris : A. Fayard, 2008, p. 351).

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