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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 janvier [1839], samedi matin, 9 h.

Bonjour, mon cher petit trop bien-aimé, bonjour, comment vas-tu ? Je ne peux pas m’empêcher d’être triste ce matin en voyant que tu n’es pas venu et en pensant que c’est peut-être à cause de l’ennui et de la fatigue que tu éprouves chez moi quand je te témoigne que je t’aime trop. Je sais bien que nous avons eu un éclair de bonheur cette nuit pendant notre ORAGE, mais cela ne suffit pas pour me rassurer sur l’état de ton cœur, que je crois très fatiguéa et très ennuyéb des obsessions et des exigencesc d’une vieille femme qui t’aime au bout de six ans de passion comme le premier jour. Tu aurais dû revenir, mon adoré, je sens que cela m’aurait donné un courage et une confiance illimitésd pour supporter ton absence et pour croire en ton amour. C’est bien malheureux pour moi que tu n’aies pas eu la conscience de cette nécessité.
Bonjour, mon cher petit homme bien-aimé, je tâcherai de me contenir quand je te verrai et d’avoir au moins le visage gaie à défaut du cœur. Je vais écrire à Mme Krafft un petit mot dans le cas où elle compterait sur ces billets de bal pour demain, pour lui dire que tu n’es pas dans une position à rien demander à ce théâtre. Et puis je t’aime, mon amour, et puis je t’adore, mon Roto. Baise-moi et pardonne-moi, si tu peux, de t’aimer trop.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 71-72
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « fatiguée ».
b) « ennuié ».
c) « exigeances ».
d) « illimité ».
e) « gaie ».


19 janvier [1839], samedi soir, 3 h. ½

La journée me paraît bien longue et bien triste, mon adoré, et le temps semble se conformer à mon impatience et à mes noires idées car il est nuit quoiqu’il ne soit encore que 3 h. ½ de l’après-midi. Je sais que tu travailles, mon Toto, je ne t’en veux pas, mais laisse-moi être triste à mon aise. J’ai écrit à Mme  Krafft tantôt pour qu’elle ne compte pas sur des billets de bal demain ni après. Je lui ai dit ce qui est vrai, que tu n’es pas au mieux avec ces messieurs et que tu ne peux pas sortir de ta gravité et de ton sérieux pour demander des billets de bal. Il faudra que j’écrive aussi à la mère Lanvin qu’elle me cherche une bonne car la nôtre grille d’impatience d’être partie et mariée. Moi, je rage et je me tourmente à l’avance car comme tu le dis très bien, nous voilà retombés dans l’inconnu. Nous n’avons pas besoin de cela dans ce moment-ci, mais enfin il faut vouloir ce qu’on ne peut empêcher. Soir pa. Je serai bien douce et bien résignée quand tu viendras, tu verras. En attendant et pendant que je suis seule, je vais me dépêcher d’être triste et impatiente tout mon soûla. Je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 73-74
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « sou ».

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