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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 janvier [1839], mardi soir, 9 h. ½

Je sors de ma crise, mon bijou, pour t’écrire un mot d’amour. Ce n’est pas quand je souffre comme une damnée et que tu es méchant comme un diable que j’ai la force et le bon caractère de le faire. Je suis fort triste, mon Toto, en même temps que je suis très souffrante, car tu as ôté de ma vie tout ce qui en était le plaisir, le bonheur et le courage. Au reste, je m’y attendais depuis longtemps ; il n’est pas dans l’ordre qu’on vienne chez une femme malingre et souffrante autrement que pour cinq minutes, parce que les plaintes et les conseils de circonstance ne prennent guère plus de temps. C’est plus expéditif et cela donne à l’amant, trop aimé, un vernis de bon cœur et de charité chrétienne qui ne me touche ni ne m’abuse. Enfin, tout finita dans ce monde et moi-même je vis dans l’espoir que j’en suis à mon dernier acte et je n’en suis pas fâchée.
Mme Krafft n’est pas venue, n’écritb pas : enfin, je ne sais que penser. Justement, il faut que Mlle François se trouve tricotée à cette affaire-là d’une manière désagréable à cause de l’incident du manchon. Enfin voilà la vie : d’un côté tous les ennuis et toutes les contrariétés du monde, de l’autre l’absence de tout plaisir et de tout bonheur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 27-28
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « fini ».
b) « n’écris ».


8 janvier [1839], 9 h. ¾, mardi soir

Je t’écris une seconde lettre, mon adoré, pour réparer, s’il se peut, la qualité par la quantité. Je suis bête et méchante ce soir un peu plus que de coutume, et il est probable que j’en laisse tomber ou [muer  ?] beaucoup plus qu’il ne faudrait, de cette méchanceté et de cette stupidité sous ma plume. Je te demande indulgence et pardon pour ce surcroît d’infirmité physiquea et moraleb.
Je vais écrire une lettre à Mme Krafft qu’avec ta permission Suzette portera demain matin afin de prendre l’argent, si par hasard elle était allée le toucher au théâtre. Mon Toto chéri, je vous aime, vous êtes mon bien-aimé. Je suis d’autant plus gentille de vous le dire que je suis un peu fâchée contre vous ce soir et que je me crois tous les droits de vous haïr et de vous en vouloir. J’espère pourtant que cet état violent ne durera pas et que nous reprendrons nos bonnes et gastronomiques habitudes et pour commencer à me dérouiller et à remonter sur ma bête je vais tout à l’heure manger une énorme assiettée de soupe. En attendant, je voudrais vous croquer et vous baiser comme un bonbon petit homme que vous êtes.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 29-30
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « phisique ».
b) « moral ».

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