Guernesey, 28 septembre 1857, lundi après-midi, 3 h. ¼
Je t’aime, mon cher petit homme, c’est ma manière de te remercier et c’est aussi ma manière de t’admirer dans ton génie et dans ta bonté. Mon amour m’élève jusqu’à toutes tes sublimes sommités et j’y parviens sans efforts à force de t’aimer et d’entasser âme sur cœur. Je viens de t’envoyer Lelacheura [1] ; l’as-tu vu ? Du reste je suis de nouveau consternée, sinon par le fait direct des Luthereau, du moins à travers eux. Voilà ce que c’est : cet album si précieux, grâce à toi et à la collaboration charmante de MISS AILLEX, qui nous a coûté une somme folle à faire relier à cause du stupide choix du relieur de SA MAJESTÉ, cet album monument, que je regarde avec orgueil et attendrissement en pensant à toi, est déshonoré dans sa reliure par la hideuse mauvaise foi du relieur. Figure-toi que l’agrafeb en argent, la seule chose qu’il ait fournie, n’est qu’une feuille d’argent estampée, appliquée purement et simplement sur le rebord de l’album de sorte que la moitié est tombée tout à l’heure et que l’autre ne tardera pas à faire la même chose. Mais le plus triste c’est que c’est presque irréparable à ce que dit Lelacheur. Cependant il va essayer d’un moyen que je te dirais tout à l’heure et dont tu pourras juger. En attendant voilà ma joie [troublée ?] encore une fois. Mais je t’adore, voilà ma suprême compensation.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16378, f. 185
Transcription de Chantal Brière
a) « le Lacheur ».
b) « l’agraffe ».