Guernesey, 6 septembre 1857, dimanche, 2 h. après-midi
Je ne te demande pas si je te verrai un peu plus aujourd’hui qu’hier, mon cher bien-aimé, car je sens que ce serait une question oiseuse à tous les points de vue puisque tu viens chaque fois que tu le peux et que je serais très malheureuse de penser que tu t’imposes le devoir de venir quand tu ne le peux pas. Ainsi, mon cher adoré, viens quand cela te plaît, tu seras toujours la joie de mon âme, le plaisir de mes yeux et le bonheur de mon cœur. J’ai envoyé Suzanne chez les deux moribonds, lesquels étaient déjà sortis et tout prêts à recommencer leur joute avec la cholérine et même le choléra le plus morbus [1] pourvu qu’il se présente sous la forme d’une bonne ripaille. Du reste je suis charmée de voir leur goinfrerie hors de danger car, somme toute, ce sont de bravesa gens qui ne demandent qu’à bien vivre…..b longtemps. Je crois que j’entends les douces voix de Caniche et de Chougna [2], est-ce que c’est déjà l’heure du bain ? J’espère bien te voir une petite minute auparavant, mon doux adoré, cependant si cela ne se peut pas je me résignerai en t’aimant de toutes mes forces.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16378, f. 172
Transcription de Chantal Brière
a) « brave ».
b) Juliette note cinq points de suspension.