29 février 1856

Guernesey, 29 février 1856, vendredi matin, 10 h. ¼

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour. Je vous aime au jour, à la nuit, à l’heure, au mois, à l’année et à l’éternité. Je vous aime partout, toujours et quand même. Je vous défie d’en pouvoir faire autant. Comment allez-vous ce matin, mon cher petit débauché ? Vous êtes-vous couché bien tard et êtes-vous resté bien longtemps aux prises avec le quine [1] DuverdièrE ? Vous me direz cela si vous êtes franc quand je vous verrai tantôt. D’ici là, je vais mettre ordre à mes affaires et tâcher de faire MA CORRESPONDANCE. Quant à celle qui vous regarde, je ne m’en mêle pas. Elle le fera toujours assez tôt pour mon bonheur particulier. En attendant je me tiens dans les limites d’une honnête discrétion et d’une grande confiance en vos reliques. Voime, voime, baisez-moi et tremblez. Eh bien, qu’est devenu le duel [Vabrot et Wiesler ?] [2] ? Quand plumera-t-on les canards de l’HONNEUR SATISFAIT ? J’espère que les fameux négociateurs auront tellement bien négocié qu’il n’y a plus qu’à se couper la gorge avec un couteau de Saint-Georges à la manière des hannetons [3] et des proscrits politiques. Vous me direz tout cela ce soir si vous en avez le temps et moi je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16377, f. 74
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Chantal Brière