Guernesey, 20 février 1856, mercredi matin, 10 h.
Bonjour mon cher petit Toto, bonjour jusque dans les pieds de votre chaise et vos semelles de caoutchouc, bonjour. Grâce à vos invités et au vent furibond je n’ai pas dormi de la nuit et il me semblait que l’assemblée [illis.] avait élu domicile dans ma chambre pour me donner un affreux charivari. Quel bruit, quel train, quel bousin. J’en suis encore toute ahuriea ; sans compter les tiraillements de mon pauvre bras qu’on dirait dévoré par des chiens enragés. Cela ne m’empêche pas de penser à mon bonheur de ce soir et de vous aimer comme une dératée. La loi FAIDER [1] m’oblige à la prudente réticence mais je compte sur votre intelligence pour compléter le sens de ma phrase. Le citoyen Cahaigne viendra ce soir avec enthousiasme et sans sa Cafetière. De votre côté, mon petit homme, vous seriez bien aimable de venir de bonne heure pour que j’aie le temps de vous écrémer un peu avant le vulgaire. En attendant j’ai toutes les peines du monde à tenir ma plume tant elle me paraît lourde, il est vrai qu’elle porte le poids de ma stupidité qui n’est rien moins que légère. Baisez-moi bien vite avant que la bêtise ne m’écrase tout à fait.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16377, f. 65
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Chantal Brière
a) « hahurie ».