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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 4 janvier 1856, vendredi soir, 4 h. ½

Vraiment vous en prenez l’habitude, affreux Toto, de vous passer de ma restitus ; mais elle ne vous lâchera pas comme cela avec cette simplicité généreuse. C’est bien assez de vous avoir laissé reposer deux jours entiers sans vous ANUIER. Maintenant que je vois que vous y prenez goût je resuspendsa la restitus de Damoclès sur votre infortunée caboche et je lâche toutes mes pattes de mouche à fond de train sur vous. Ah ! tu te goberges dans une douce absence d’ineptie ! ah ! tu savoures le FARNIENTE de ma stupidité ! ah ! tu es heureux sans moi ! attends, attends, attends, je t’en va fiche, moi, de la tranquillité et du loisir à mes dépensb ! ah ! tu trouves que je SAIS ASSEZ ÉCRIRE POUR LES AUTRES ! eh ! bien délecte-toi dans mon style jusqu’à ce que mort s’ensuive ou que tu aies confessé ton crime et ma mystification. En attendant je te rédige ce petit FACTUM d’invectives pour m’avoir laissé deux jours dans l’humiliante position d’une Juju entre deux encriers, le cœur par terre et sans daigner vous en apercevoir, encore ! taisez-vous car cela fait frémir, tout bonnement. Sans compter qu’il fait un temps à porter Boustrapa en terre et une cheminée qui fume comme trois Charles [1]. Tout cela n’est pas gai, ni même geai, quoique Guay m’aitc écrit aujourd’hui. Mais il faudrait encore autre chose pour me faire mourir de rire, je suis forcée d’en convenir. La mère Gilet, elle-même, y perdrait sa blague française et sa platine super fine [2]. Quand je pense que je suis capable de vous sourire tout à l’heure et d’être heureuse de vous voir comme une bête que je suis, vraiment, tenez, je me méprise à preuve que je vautre mon âme dans mon amour sans fond, sans fin et sans raison.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16377, f. 5-6
Transcription de Christelle Rossignol assistée de Chantal Brière

a) « resuspens ».
b) « dépends ».
b) « m’est ».

Notes

[1Allusion à la consommation de tabac de Charles Hugo.

[2Pierre Larousse indique que le substantif « platine » au féminin peut désigner la langue ou le babil. Juliette évoque ici des bavardages féminins.

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