Paris, 19 février [18]72, lundi soir, 5 h.
Je crois, mon cher bien-aimé, que j’aurai bien de la peine à conserver la pauvre petite loge que tu as eu la bonté de me donner pour ce soir tant la curiosité pour cette première représentation enfièvre tout le monde [1]. Ainsi voilà que tu me fourres le bonhomme Robelina qui n’est rien moins que sylphe. Pour peu que tu oublies que cette baignoire ne contient que quatre places, la mienne comprise, et que tu en disposes encore, ne fût-ce que pour une seule personne, me voilà forcée de renoncer au plaisir d’assister à cette solennité archi-intéressante. Que ta volonté soit faite, ce n’est pas la première fois que j’aurais fait de nécessité vertu en renonçant à ma part de bonheur. Donc j’en prends mon parti d’avance. À propos, il paraît que la veuve de Mondorf [2] a repris ses petites et grandes entrées chez ta belle-fille et chez toi et qu’elle y a déjeuné ce matin. Je viens de la voir passer avec Mme Charles qui lui a montré ma maison du doigt. J’espère qu’on ne m’imposera pas de prendre cette dame en pension, pas même au cachot, car je m’y refuse absolument, dussé-je aller dîner chaque fois qu’on le tenterait au bouillon Duval [3]. Maintenant que tu es averti c’est à toi d’agir comme tu l’entendras…. Je ne veux ni te gêner ni me sacrifier. Mon amour ne doit pas être un long martyr.
BnF, Mss, NAF 16393, f. 47
Transcription de Guy Rosa
a) « Roblin ».