17 septembre 1873

Paris, 17 septembre [18]73, mercredi matin, 6 h. ½

Dors, mon grand bien-aimé, pendant que je t’admire, que je t’adore et que je te bénis. Tu dois être bien content de l’effet bien prodigieux qui produit sur tous^a ceux qui la lisent ta surhumaine et sublime « La Libération du Territoire ». Quant à moi, après l’avoir lue et relue dans mon cher exemplaire, j’en ai lu^b irrésistiblement les citations faites dans les six journaux que m’avait laissé Pelleport hier ; et plus je les relisais, plus je sentais croître mon admiration et ma vénération pour ton divin génie. J’aurais voulu pouvoir m’agenouiller devant toi comme devant lui-même. J’étais tout entière si subjuguée par cette poésie qui remplit le ciel et [la terre ?] que toute autre chose m’était insupportable et une souffrance, à commencer par la chicanerie mesquine et presque de mauvaise foi du docteur Sée ou Say avec toi. C’est la seconde fois que cette passe de science à armes courtoises a lieu devant moi sans que j’y trouve aucun plaisir, au contraire. Il me semble même, si j’étais à ta place, je ne prêterais pas le collet davantage à un système de dénégation préconçue qui peut dans un temps donné servir à la malignité de tes nombreux ennemis. Je me permets de te dire cela parce que tu permets tout à mon amour ; si je me trompe dans mes appréciations, tu en es quitte pour sourire de ma trop susceptible sollicitude pour tout ce qui t’intéresse en me la pardonnant. Où je suis sûre de ne pas me tromper, c’est dans mon admiration et mon amour pour toi.

BnF, Mss, NAF 16394, f. 271
Transcription de Manon Da Costa assistée de Florence Naugrette

a) « tout ».
b) « lue ».