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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 juin 1838

23 juin [1838], samedi matin, 10 h. ½

Pas plus d’homme que dessus la main, c’est gentil, voime, voime . Bonjour mon cher petit MONSIEUR, comment vont vos pauvres yeux ce matin ? Je vous aime, entendez-vous ? Je vous aime. Ma pierre paraît bien décidément perdue. Je l’ai fait chercher tout à l’heure sans pouvoir la retrouver, c’est ennuyeuxa. À propos, mon amour, j’ai oublié le mois du portier du 20 et l’adresse des assiettes. Je vais tâcher d’y penser quand je te verrai, ce qui n’est pas sûr car, loin de toi, je n’ai qu’une pensée, te voir, et près de toi qu’une préoccupationb, la crainte de te voir en aller. Je t’aime trop, mon Victor. Je me suis réveillée ce matin à l’heure où tu as coutume de venir pour me réjouir une minute plus tôt. Peine inutile, tu n’es pas venu. Aussi tu me permets d’être triste, n’est-ce pas ? Toujours pas de nouvelles ni de Mme Lanvin ni de M. Pradier, cela me tourmente plus que je ne puis le dire. Je t’aime, mon Toto et heureusement pour moi car sans mon amour, je serais aussi ennuyéec de moi que des autres et je ne comprendrais la vie que comme une stupide plaisanterie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 300-301
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain

a) « ennuieux ».
b) « préocupation ».
c)« ennuiée ».


23 juin [1838], samedi soir, 10 h.

Nous avons dînéa très tard, mon amour, parce que le dîner n’était pas fait, du moins le supplémentb. On ne m’a pas parlé du théâtre ni moi non plus. Je vous aime, mon Toto, quoique vous m’ayez fourrée dans un omnibus malgré ma BELLE TOILETTE. Je vous aime malgré que, quoique et en dépit de, j’espère que vous voudrez bien me [1], et voilà mon histoire. J’aurais le plus grand besoin de marcher ce soir, si votre altesse y consent, nous reviendrons à pied. Je ne veux plus jamais vous rien demander parce que vous êtes comme ce chien de Jean de Nivelle qui s’en va quand on l’appelle. Mon petit homme, je regarderai sur mes livres ce soir pour te dire à quoi j’ai dépensé l’argent que tu m’as donné il y a trois jours. Je ne sais pas moi-même à quoi je le dépense mais je sais que je n’en mets pas dans ma paillasse. Je suis même très triste et très tourmentée chaque fois que je n’en ai plus car je pense à tes yeux que j’adore et j’ai peur d’être cause d’un malheur. Mon cher petit bien-aimé, tu ne sauras jamais comme je t’aime parce que tu n’auras jamais besoin de le savoir mais je t’aime [, va ?].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 302-303
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain

a) « dîner ».
b) « suplément ».

Notes

[1L’absence de complément à cette litanie de verbes, volontaire, dit qu’elle ne peut dire ce qui lui manque.

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