Jersey, 19 janvier 1854, jeudi après-midi, 3 h. ½
Je ne m’étonne pas de ne pas vous voir, mon cher petit bien-aimé, mais j’en suis triste car loin de vous tout m’est ennuyeux et pesant. Je sais que vous avez pour dimanche prochain une improvisation de ripaillerie chez le Téléki en compagnie de Mlle Grave et de bien d’autres aussi folâtres. Je sais encore que vous avez honoré de votre présence à la pomme d’or [1] le balthazar anacréontique de dimanche dernier. J’en félicite les viveurs et les viveuses cosmopolites qui ont eu le bonheur de trinquer avec vous. Quant à moi, je n’ai rien à leur envier puisque j’avais à moi toute seule le délirant et léger et badin Claude Durand. Aussi, je ne me plains pas mais je voudrais bien m’en aller voir ailleurs si j’y suis. En attendant je reçois les hommages du cacochyme citoyen Collet et je broie de la restitus jersiaise. Telle est ma situation physique et psychologique, politique et littéraire, amoureuse et mystifiée. Je crois que vous voilà, j’espère que ce ne sera pas pour longtemps.
BnF, Mss, NAF 16375, f. 30-31
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Chantal Brière