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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 juillet 1846], 2 h. ½, après-midi

Puisque je ne dois plus sortir avec toi, mon adoré, je ne suis plus pressée de m’en aller et j’aime mieux t’écrire en attendant l’heure d’aller te rejoindre. Je sortirai de chez moi de trois heures à trois heures et demie et j’irai directement à Saint-Germain l’Auxerrois. J’ai réfléchi que c’était plus raisonnable ainsi que de courir, toute chose cessante, au faubourg Saint-Germain sans aucune nécessité puisque je ne peux pas y aller avec toi. J’économiserai mon sou du pont Louis-Philippe que je mettrai à la masse de mes quatre sous pour me faire un boursicot [1] phame dont je ne devrai compte à personne. Attrapéb, Toto ! Baisez-moi tout de suite, vilain scélérat et rendez-moi bien vite mes QUARANTE-HUIT sous d’ANCIEN plus mes deux sous de cassis que je n’ai pas consommé. Je ne vous ferai plus jamais crédit parce que vous en abusez. Taisez-vous ou je regarde dans vos papiers. Ah ! mais c’est que je le ferai comme je le dis et sans m’inquiéter comment l’Académie se débarbouille dans ses ha ! ah ! Je n’ai pas besoin de me gêner toute la vie pour un vilain comme vous. Sur ce, baisez-moi et aimez-moi, je vous dis que vous êtes mon Toto tout de même et encore plus.
Cher petit homme, mon Victor chéri, mon amour, je t’aime. J’ai le cœur plein d’adoration, je voudrais baiser tes pieds. J’ai peur que ta séance à l’Académie ne se prolonge au-delà de l’heure possible pour entrer au Louvre, même en te faisant reconnaître. Je suis fâchée maintenant d’en avoir parlé à Eugénie parce que ce sera un chagrin pour elle et pour ce jeune homme [2] si tu n’y [vas] pas ce soir. Quant à moi, je t’attendrai jusqu’à 5 h. dans l’église. Après, j’irai chez Mlle Féau, en vérité je ne sais pas pour quoi faire. Je regrette maintenant de n’avoir pas suivi ton conseil tout du long. Enfin, c’est dit. J’irai si tu n’es pas venu à 5 h., mais j’espère que tu ne me laisseras pas en venir à cette dure extrémité. En attendant, je te baise de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16363, f. 243-244
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

a) « attrappé ».

Notes

[1Boursicot : petite bourse, petite somme d’argent économisée et tenue en réserve.

[2Le sculpteur Victor Vilain. Juliette a demandé à Victor Hugo d’intervenir en faveur du jeune artiste qui rencontre des problèmes avec la vente de ses œuvres.

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