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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 mai 1836

22 mai [1836], 7 h. du soir, dimanche

Mon cher adoré, je suis au ciel depuis tantôt. Si tu étais venu, tu m’aurais pris pour une folle. Et je l’étais d’amour et d’adoration. Je t’aurais écrit plus tôt si je n’avais pas été occupée à mettre toutes nos richesses à l’abri, et puis après Mme Pierceau est arrivée avec son petit garçon. Je l’ai reçuea tant bien que mal car j’étais préoccupée de toi, rien que de toi. Enfin je n’y peux pas résister et avant de dîner, il faut que je te donne mon cœur, mon âme, ma vie, comme si je ne t’avais pas tout donné le premier jour où je t’ai vu.
Pauvre ami, est-ce que je ne te verrai pas bientôt ? Est-ce que tu travailles ? Mon Dieu, je ne sais pas comment je fais mais plus j’ai de bonheur et plus il m’en faut. Ce que tu m’as donné tantôt me ravit l’âme et m’éblouit l’esprit. Mais toi tu es encore plus ravissant pour moi, tu es le bonheur complet. Si tu allais ne pas venir tu ne pourrais pas m’empêcher d’être triste toute la soirée et jusqu’à ce que je t’aie revu. Viendras-tu souper ? Nous n’avons rien et il m’a fallu improviser un dîner pour Mme Pierceau. Mais c’est égal, viens toujours et si nous n’avons rien nous nous mangerons l’un l’autre. Je t’aime.

J.

BnF, Mss, NAF 16327, f. 77-78
Transcription d’Isabelle Korda assistée de Florence Naugrette

a) « reçu ».


22 mai [1836], dimanche soir, 9 h. ¼

Cher bien-aimé, je t’écris sous l’impression douce et triste de ta lettre ravissante et de ton absence éternelle. J’ai là Mme Pierceau à qui je n’ai presque rien dit de la soirée, tant j’ai l’esprit et le cœur préoccupés de toi. Je voudrais savoir ce que tu fais, où tu es, et quand tu viendras. J’ai besoin de relire tes sublimes vers, ce n’est pas la merveilleuse poésie que je baise et que j’adore, mais tes paroles saintes, tes paroles d’amour.
Mme K. [1] m’a envoyé une branche de papier. C’est très vilain, et très badoulard [2]. Mais qu’importe. Elle m’aurait envoyé le Pérou que tout aurait été éclipsé par un seul des mots que tu m’as écrits aujourd’hui. Quanta à moi, mon pauvre ange, si je fais un retour sur moi-même, j’ose à peine t’écrire. J’ai peur que tu ne trouves pas la perle dans cette boue, l’amour sous cet esprit obtusb. Il faut que j’oublie que tu es là, mon beau poète, il faut que je ne pense qu’à toi, mon amant. Cher bien-aimé, c’est pour toi seul que j’écris. Je t’aime, je t’aime : dans ce mot-là il y a ma vie, il y a mon âme, il y a le bonheur si tu m’aimes.

J.

BnF, Mss, NAF 16327, f. 79-80
Transcription d’Isabelle Korda assistée de Florence Naugrette

a) « quand ».
b) « obtu ».

Notes

[2À élucider. « Badoulard » est le nom de plusieurs personnages de comédie lourdauds et ridicules.

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