23 mai [1847], dimanche matin, 4 h.
Bonjour, mon aimé, bonjour mon Toto, bonjour mon amour, comment vas-tu ? Je te baise de l’âme et je t’adore unguibusa et rostro [1] malgré mon mal de gorge qui ne fait que croître et enlaidir.
As-tu pensé à ma proposition et l’acceptes-tu enfin ? Pour te déterminer je joins ici un nouvel échantillon de ma marchandise. Je te conseille de te hâter car je suis sûre que, si on la savait à vendre, elle ne me resterait pas longtemps. Damea, aussi c’est du latin de première qualité, l’université elle-même n’en a pas de meilleur et même d’aussi bon.
Je suis assez vexée de céder ma place à Mme Parent ce soir. Ceci n’est pas fait pour me rendre Céleste [2] moins monstrueuse et sa sœur moins ennuyeusea, et la mère Triger moins étourdissante, mais il n’y avait pas moyen de concilier le spectacle ce soir et le dîner de ces péronnelles. D’ailleurs elles sont tellement ennuyeusesa qu’elles m’auraient gâté mon plaisir. J’aime mieux renoncer tout à fait à ma Marion [3] ce soir que de l’associer à la stupide corvée que m’impose le 22 mai [4]. Je te prie d’avance de ne pas m’oublier la première fois qu’on la donnera. Je t’aime, je t’adore, je te baise et je te joue tout ce que je sais aux dames, plus que ça [illis.].
Juliette
BnF, Mss, NAF 16365, f. 118-119
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « inguibus ».
b) « Dam ».
c) « ennuyeuse » et « ennuyeuses ».