Paris, 16 mai [18]77, mercredi soir, 5 h. ½
Cher bien-aimé, tu n’es pas sans savoir maintenant la menaçante frasque de Mac-Mahon contre le ministère qui ressemble à une répétition générale d’un coup d’État [1]. Du moins cela apparaît ainsi à tous ceux qui de près ou de loin sont intéressés à être bien informés. Mme Lockroy, avec laquelle je viens de causer, sortait de voir Jules Simon qui s’attend à un prochain Cayenne [2]. Lockroy est en permanence [3] à la réunion des trois gauches et te fait dire par sa femme que dans le cas où tu aurais quelque chose à lui faire savoir, d’envoyer chez Mme Balli où elle doit dîner, laquelle se charge de lui envoyer tout ce que tu auras [à] lui faire dire. Noël Parfait était arrivé pendant notre absence pour causer avec toi de la gravité de la situation. Ne te trouvant pas, il a laissé un mot pour toi. Le pauvre Boulet [4] lui-même est accouru tout effaré me raconter la chose. Jusqu’à présent je ne me sens pas trop tourmentée et Guernesey n’est pas pour moi un pis-aller trop effrayant. Cependant j’avoue que j’aurais préféré pour l’honneur et pour le bonheur de la France retourner dans cet Éden sous d’autres auspices que ceux d’un coup d’État.
BnF, Mss, NAF 16398, f. 132
Transcription de Guy Rosa