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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 mars 1847

20 mars [1847], samedi après-midi, 4 h. ¼

Je ne pouvais pas être prête, mon bien-aimé, pour l’heure que tu m’indiquais parce que ma seule et unique robe de mousseline de laine noire a besoin maintenant d’un raccommodage chaque fois que je la mets. Si j’avais su cela hier je l’aurais préparée avant ce matin ou ce matin même. J’en ai été plus que contrariée et à présent encore je n’en ai pas encorea pris mon parti et j’ai le cœur triste et malheureux de cette bonne occasion manquée. Elles sont si rares que pour peu que j’en échappe quelques-unes il ne m’en reste plus du tout. Ce n’est pas une raison pour te bouder, cher adoré, bien au contraire, et je te souris malgré mon chagrin.
Eugénie est venue tout à l’heure avec l’air profondément accablé et souffrant. Elle venait savoir si j’avais besoin d’elle puis me demander des choses insignifiantes au sujet de M. Vilain. Était-ce un prétexte ? Je ne saurais le dire car ce n’est pas la première fois que je lui vois cette attitude maladive et désespérée. La première émotion de colère et d’indignation passée, je me suis sentie prise de pitié pour cette malheureuse créature qui, quel queb soit l’état intérieurc de son esprit et de son âme, souffre. Sa méchanceté même était un sujet de pitié douloureuse qui me donnait envie de pleurer. Elle s’en est allée au bout de quelques instants sans que j’aie essayé de la retenir, comme je l’aurais fait autrefois. Elle m’a demandé si elle pourrait venir demain avec son fils et je t’avoue que je n’ai pas eu le courage de lui dire que non. Elle viendra donc demain avec son enfant. Je tâcherai de lui faire bon visage. Je sens plus que jamais qu’une explication n’avancerait à rien et je suis décidée à tout faire pour l’éviter. Il ne dépendra pas de moi que je tienne à ma résolution, quelque chose qui m’en coûte.
Quand je pense, mon doux adoré, que je pourrais être tout à l’heure auprès de toi si j’avais été prévenue à temps, cela me rend si malheureuse que j’ai toutes les peines du monde à me retenir de pleurer. Pourvu que tu reviennes dès que tu auras quitté la Chambre ? J’ai une peur affreuse que tu ne te laissesd confisquer par tes honorables collègues, que le diable emporte, et que tu ne reviennes que très tard. Tant que tu ne seras pas là je serai poursuivie par cette vilaine idée.

Juliette

MVH, α 7862
Transcription de Nicole Savy

a) La répétition a échappé à Juliette.
b) « quelque ».
c) « intérieure ».
d) « laisse ».

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