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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 janvier [1847], lundi matin, 10 h. ½

Bonjour mon Victor adoré, bonjour mon beau petit homme, bonjour navarin [1], comment que ça va ce matin ? Moi je vais vous aimant à toute bride et sans m’arrêter une seconde pour reprendre haleine. Je vais toujours très, très bien. Je me dispose à copier ce soir de mon Jean Tréjean, pour cela je prendrai du beau papier : quel bonheur ! Vos mauvais desseinsa à mon endroit sont enfoncés et je m’étalerai malgré vous sur du beau papier satiné ! c’est bien faité ! Attrapéb !
Je ne demanderai pas à t’aller chercher ce soir parce que le chemin est bien mauvais et surtout parce que tu reviens très tard de cette commission. Mais je vous consacre mon premier jeudi de 1847 en allant au-devant de toi. Je te le dis d’avance afin de n’avoir pas à discuter ce projet au moment de le mettre à exécution. Il y a trop longtemps que je suis privée de ce bonheur, je ne veux pas l’être davantage. Mettez cela à la sauce que vous voudrez, mais je n’en démordrai pas. Jour Toto. Jour mon cher petit O. Je vous aime.
Dites donc vous, tâchez donc de garderc vos vieux journaux chez vous ou je les jetterai au feu. Je n’ai pas besoin de vos mystifications. Je n’ai pas besoin de remâcher trente-six fois les vieux journaux rassis et moisis que vous m’apportez. J’en veux de tout frais ou je n’en veux pas du tout. Ils ne sont déjà pas si agréables même dans leur fraîcheur sans me condamner à les revoir indéfiniment dans leur vieillesse. Je suis furieuse contre vous. Si je m’en étais aperçue hier au soir, je vous aurais débarbouillé avec, pour vous apprendre à me manquer de respect comme un vilain malhonnête que vous êtes.
Soyez tranquille, vous ne perdrez rien pour attendre et l [2] non plus. J’ai bien voulu hier avoir l’air de croire à vos raisons mais je n’en suis pas la dupe, je vous en préviens. Je découvrirai votre l, je vous en avertis, et ma foi gare à vous et à elle. D’ici là je veux bien vous sourire pour mieux endormir votre prudence quitte à vous griffer depuis le haut jusqu’en bas quand j’aurai découvert votre trahison. Pour commencer baisez-moi et faites-moi des grâces. Je vous y répondrai. Ce sera charmant. Voime, voime vieux scélérat, que je vous y prenne et vous verrez ce qu’il en adviendra [3].

Juliette

MVH, α 7829
Transcription de Nicole Savy

a) « dessins ».
b) « attrappé ».
c) « gardez ».

Notes

[1Titre d’un poème des Orientales, qui faisait de la bataille de Navarin le symbole de la libération de la Grèce.

[2Juliette dessine à deux reprises le chiffre brodé sur le mouchoir dont il a été question dans la lettre précédente, le l, initiale de Léonie Biard.

[3Cette lettre menaçante a dû sérieusement inquiéter Victor Hugo. Juliette est sur la bonne piste…

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