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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 15 octobre 1861, lundi matin, 7 h.

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, je t’aime. Je t’aime c’est-à-dire tout car en dehors de ce mot là je n’ai pas de pensée, pas de cœur, pas d’âme, plus rien. Je t’aime. Je t’aime. Je t’aime. Voilà ma joie, mon bonheur, ma vie.
Je voudrais que personne ne vînt troubler cet amour dont j’ai fait mon culte en ce monde et dont je fais mon espérance pour l’autre. Je voudrais vivre seule, en paix chez moi comme dans un sanctuaire en dehors du monde et à l’abri de ses perfidies. Je ne lui demande rien de ses fausses joies et je ne veux rien lui céder de mon bonheur vénérable et sacréa, celui de t’aimer religieusement et dans la paix de mon âme. Qu’on s’amuse ailleurs, qu’on ait des caprices, des coquetteries, des passions, cela ne me regarde pas mais je veux qu’on respecte mon intérieur et que la première venue ne se croie pas le droit de jouer avec ma tranquillité et de disperser aux quatre vents de la jalousie tous les trésors de sécurité que j’ai amassésb minute à minute depuis bientôt trente ans. Tu dois trouver cela bien naturel et bien légitime de ma part, n’est-ce pas, mon pauvre adoré, et tu ne peux pas m’en vouloir de faire si bonne garde auprès de notre amour. Je sais que tu es honnête homme, je crois que tu ne peux pas ni ne veux pas me tromper, mais je t’aime, c’est-à-dire J’ai peur.

BnF, Mss, NAF 16382, f. 125
Transcription de Florence Naugrette
[Guimbaud, Souchon, Massin]

a) « sacrée ».
b) « amassé ».

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