Jersey, 13 septembre 1854, mercredi matin, 8h.
Bonjour, mon cher petit Toto, bonjour, je t’aime, mettez cela sous votre oreiller en guise de remords et dormez.
Voilà le temps bien gâté, mon cher petit phoque, je doute que, malgré ton ardeur marsouine, tu puissesa prendre un bain aujourd’hui. Quant à moi je m’en prive avec calme. Du reste, mon pauvre petit homme, je vois avec un profond regret pour toi cesser cette chaleur tropicale qui allait si bien à ta nature saurienne. Je le regrette pour moi aussi malgré mon peu de goût personnel pour la température four à chaud mais parce que ce sera autant de chances de promenade de moins, voireb même celle de dimanche qui me paraît tombée dans l’eau dans ce moment-ci. Il est vrai qu’il me restera encore ma bonne petite matinée goinfrante, ce qui est beaucoup pour une Juju accoutumée au bonheur le plus chesse. Et puis, comme dernière compensation, la facilité de trouver un logement d’ici à quinze jours ce que le beau temps prolongé ne m’aurait peut-être pas permis [1]. Tu vois, mon cher petit philosophe, que je commence à mettre à profit tes enseignements philosophiques et que je prends toute chose du bon côté. Il n’y a que votre absence à laquelle je ne sache pas me résigner. Cela viendra peut-être, mais en attendant je te prie de ne pas mettre mon courage et ma patience à une trop longue épreuve aujourd’hui. Sur ce, mon cher petit paresseux, dormez et rêvez que vous m’aimez si vous ne craignez pas le cauchemarc.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16375, f. 297-298
Transcription de Chantal Brière
a) « puisse ».
b) « voire ».
c) « cauchemard ».