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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 janvier [1843], vendredi matin, 11 h. ½

Bonjour, mon Toto chéri, bonjour, bonjour, je t’aime. Comment vas-tu, où es-tu, que fais-tu, que dis-tu, à qui penses-tu et qui aimes-tu ? Je savais bien que tu ne viendrais pas ce matin, mon pauvre bien-aimé, il n’en pouvait pas être autrement avec tout ce que tu as à faire et la nécessité d’être chez toi pour savoir ce qui se passe. Car enfin, il faut bien espérer qu’il se décidera quelque chose de définitif aujourd’hui.
Je regrette, comme toi, que tu aies rejeté les propositions de Lireux car elles auraient peut-être stimulé la paresse et l’indolence de ces affreux comédiens qui, sachant que tu n’as qu’eux, n’en prennent qu’à leur aise, c’est-à-dire qu’ils ne font rien du tout pour sortir d’embarras. Je suis fâchée, dans mes idées superstitieuses, que l’affaire Mélingue ait dû se décider aujourd’hui. Je ne comprends pas pourquoi il a fallu tant de temps à tout ce monde-là pour terminer une affaire qui pouvait l’être en moins de deux heures. C’est fort ridicule. Enfin si elle se termine aujourd’hui par l’engagement de Mme Mélingue, je leur pardonnerai leur lenteur et j’aurai moins de confiance dans le vendredi.
J’ai reçu une lettre de Brest mi-partie de ma sœur et de son mari. Elle contient de nouveaux remerciements pour toi. Le pauvre homme est transporté d’admiration et de reconnaissance. Il paraît du reste qu’il a un rhume tenace qui tient à l’affreux hiver pourri et à la peine qu’il se donne depuis 7 h. du matin jusqu’à 6 heures du soir à ce que dit ma sœur, car pour lui, il ne s’en plaint pas et c’est tout simple. Si on pouvait les faire venir à Paris ou près Paris ce serait bien heureux pour eux. En attendant je t’aime. Tu es mon cher bien-aimé adoré que je baise et que je désire de tout mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 81-82
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette


27 janvier [1843], vendredi soir, 5 h. ½

Non jamais, jamais, non jamais, au grand jamais, on n’aa vu un théâtre pareil à ce hideux Théâtre-Français ni un auteur plus patient et plus débonnaire que le sieur Toto. Je ne crois pas que dans tout l’univers, y compris les Îles Marquisesb, on retrouverait le pareil théâtre et le pareil auteur. Enfin, puisque que cela arrange et le théâtre et l’auteur, je ne vois pas pourquoi nous autres bourgeois, bourgeoises et villageois et villageoises, gens de la banlieue et autres, nous serions plus difficiles et plus impatients que ce même théâtre et que ce même auteur. Voilà qui est convenu. Ce qui ne l’est pas moins, c’est que je vous aime comme une dératée que je pourrais être et que je ne suis pas.
Je vous dirai en outre que j’avais écrit précédemment les 4000 francs que vous m’aviez donnésc pensant qu’ils étaient consacrés à ma maison. Mais voilà que par un oubli, que je ne comprends pas, j’ai crit au fur et à mesure tout ce que je prenais sur les 618 francs ce qui faisait un joli double emploi comme vous voyez mon Toto. J’ai remis ordre à cela et maintenant s’il y a des erreurs dans mes comptes je ne saurai pas à quoi les attribuer.
Jour Toto, jour mon cher petit o, vous feriez mieux de venir déjeûner avec moi que d’attendre Mlle Fitz-James dans votre lit. Vous êtes une bête et je commence à donner raison aux comédiens ORDINAIRES du Roi [1]. Taisez-vous et baisez-moi, ça vaudra mieux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 83-84
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « on a ».
b) Dessin :

© Bibliothèque Nationale de France


c) « donné ».

Notes

[1Nom donné aux acteurs de la Comédie-Française.

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