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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 août [1846], samedi matin, 9 h. ¼

Bonjour, mon Toto adoré, bonjour et pardon à genoux de mon peu de courage hier au soir, mais si tu savais dans quel état fâcheux je me trouvais, au moment où tu es parti, tu comprendrais comment il se fait que j’ai pu ne pas aller te reconduire. Cependant, j’en ai eu de la honte et du regret tout de suite ; je n’ai presque pas dormi de la nuit et ce matin, je suis triste. J’attends que tu viennes pour me consoler et me pardonner. D’ici-là, je serai très malheureuse. Comment vas-tu, toi, mon doux aimé ? As-tu un peu dormi cette nuit et m’aimes-tu malgré mon crime ? Je voudrais que tu sois déjà venu pour le savoir. En attendant, je me fais de sanglants reproches, quoiqu’au fond j’aie plus d’une circonstance atténuante pour expliquer et excuser mon inconcevable paresse de cette nuit. Si tu avais été dans ma peau, tu l’aurais sentie peut-être encore plus fort que moi. C’est égal, je suis une vilaine et je m’en veux à la mort. Tu pourras me pardonner mais moi je ne me pardonnerai jamais cette stupide couardise. En attendant, je baise tes chers petits pieds en signe de remords et d’adoration, et j’espère te voir bientôt, ne fût-cea que pour me donner des coups et des gifles que je mérite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 37-38
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

a) « fusse ».


15 août [1846], samedi, 3 h. ½

Si c’est pour me punir, mon bien-aimé, que tu ne viens pas, tu me punis trop, et je ne mérite pas un châtiment aussi féroce car je t’aime plus que plein mon cœur. Je te supplie de venir tout de suite, mon petit Toto, car je suis bien triste et malheureuse. Tu as oublié que Dabat devait venir aujourd’hui. Aussi ai-je été obligée de prendre l’argent de Suzanne pour le payer. Cette fille est ma trésorière depuis longtemps. Dans ce moment-ci, je lui dois 85 F. de choses indispensables et urgentes, compris les 24 F. de Dabat, bien entendu. Je déteste tant te parler de cela que j’aime mieux te l’écrire, comme cela je suis plus sûre de ne pas l’oublier. Mon cher petit homme, je crains que vous ne soyez saucé si vous ne vous dépêchez pas de venir. Il y a un affreux orage qui se prépare à crever sur la bosse des Parisiens. Gare à la vôtre, mon cher petit loup, et surtout, hâtez-vous de venir vous mettre à l’abri chez moi. J’ai si grand faim et si grand soif de vous voir que j’en tire la langue jusqu’à la cheville. Et puis j’ai mon pauvre cœur bien gros et bien triste, et si vous ne venez pas bien vite le régayer, je ne sais pas ce qu’il deviendra. En attendant, je t’aime de toutes mes forces et je te désire tout autant.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 39-40
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

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