7 juin 1877

8 juin 1877

Paris, 7 juin [18]77, jeudi matin, 9 h. ½

J’ai hâte, mon cher bien-aimé, de te savoir hors, et la France avec toi, de ce margouillis mac-mahonien de Broglie et autres jésuites malfaisants et ineptes. Car qui peut savoir jusqu’à la dernière minute comment on en sortira. Encore huit jours d’inquiétude et d’indignation et nous saurons avec le monde entier le résultat de cette dangereuse et stupide frasque de traîneurs de sabres et de soutanes. En attendant, les honnêtes citoyens, comme le baron Edmond Adam [1], meurent et les galapiats de lettres passent à l’Académie avec une touchante majorité comme les Boissier [2], les Mézières [3] carreau [4], tous les X et tous les Y de l’alphabet, pendant que les hommes de talent se morfondent à la porte [5]. Je suis d’autant plus furieuse que cela m’excite à me mêler de ce qui ne me regarde pas et à en parler comme une pie borgne tandis que j’aimerais bien mieux roucouler toutes les notes de mes tendresses.

BnF, Mss, NAF 16398, f. 153
Transcription de Guy Rosa

Notes

[1] Carnet, à la date du 15 juin : « Edmond Adam est mort hier. C’était une âme droite, vaillante et bonne.
– On l’enterre aujourd’hui à 4 h. au P. Lachaise. J’irai. »

[2] Gaston Boissier, reçu le 21 décembre 1876.

[3] Alfred Mézières, reçu le 17 décembre 1874.

[4] On ne s’explique pas la présence de ce mot dont la lecture ne semble pas douteuse.

[5] La note de Hugo du même jour consigne sa visite à Edmond Adam, « presque dans un état désespéré », et le scrutin à l’Académie pour le siège de M. Autran. Leconte de Lisle, pour qui vote Hugo, obtient 2 voix au premier tour et une au second ; le duc d’Audiffret-Pasquier 17 et 17, Sardou 18 et 19. Les circonstances politiques et le fait que plusieurs académiciens, à commencer par le duc d’Audiffret-Pasquier, président du Sénat, et de Broglie, premier ministre, en soient les protagonistes rendaient la séance intéressante :
« Accueil glacial que me fait l’Académie. Excepté d’Aumale qui m’a vivement salué, Jules Favre et Dumas fils qui présidait.
Jules Simon s’est levé de sa place, a traversé la salle et est venu me prendre les mains. Je lui ai dit à très haute voix : Jamais je ne vous ai serré la main de plus grand cœur qu’aujourd’hui. En face de moi, Broglie, livide.
Charles Blanc est venu s’asseoir près de moi. Jules Simon m’a présenté M. Mézières. » (ibid., p. 895)