Paris, 10 mars 1880, mercredi matin, 7 h. ½
Pour une bonne nuit, cinq mauvaises. Voilà pour toi, et pour moi, mon pauvre bien-aimé, la proportion de notre sommeil. Heureusement que tu peux prendre la matinée pour te récupérer, tandis que moi je ne le peux pas, ce qui fait que j’arrive exténuée de fatigue à la fin de la journée. Mais tout cela n’est rien, puisqu’en somme nous nous portons bien et vaillamment tous les deux. Je viens de mettre à jour, pendant que tout le monde dort encore dans la maison, les lettres venues hier soir pendant que nous dînions. Il [y] en [a] une de Mme Chenay que je t’ai mise de côté ainsi que celle que Mme Morvan qui m’a écrit pour me dire par le menu l’état actuel de ma maison et ce qu’il faut qu’elle fasse ou ne fasse pas faire [1]. Parmi les lettres il y en [a] une à moi adressée par Clovis Hugues qui me prie de mettre sous tes yeux les vers qu’il te dédie, et qu’il n’a pas pu lire le jour du banquet [2]. Je profite de l’occasion séance tenante pour l’inviter avec sa femme à dîner lundi prochain, 15 mars. J’invite en même temps les deux Vilain qui t’ont envoyé des fleurs et le buste de la République le jour de ton anniversaire. Enfin je mets à la poste la lettre de Mme Pencquer, cela fait je me plongerai dans un good bain d’où je t’enverrai toutes mes amours… propres et autres, comme dit le bon Lesclide.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 70
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin