Paris, 23 février 1880, lundi matin, 8 h.
Dors, mon cher petit homme, c’est ce que tu peux faire de mieux après l’insuffisante nuit que tu viens de passer. Et aussi, pour ne pas voir le temps triste et maussade qu’il fait ce matin. Moi je n’aurais pas mieux demandé que d’en faire autant, si je l’avais pu, mais je ne le peux pas, ma nature étant donnée. D’ailleurs je veux t’accompagner au Sénat, et, pour cela, il faut que je mette tout en train dans la maison avant de partir. Telle est ma fonction de mouche de ton coche. [1] Et à ce propos, je te fais remarquer que c’est aujourd’hui jour d’argent de blanchisseuse et d’huile à brûler, qu’il faut payer, par conséquent, en dehors de la dépense courante. Aujourd’hui nous avons à dîner les deux Scheureur-Kestner, Émile de Girardin, Madame Edmond Adam, et les deux Cléry, en tout avec nous, douze personnes. Hier nous étions quatorze, demain nous serons autant. Jeudi nous serons 16, au moins. Je ne parle pas du déjeuner avec Mademoiselle Madeleine, quelque fois Bibiche ou Lesclide. Enfin, mon cher bien-aimé, je te donnerai par le menu le détail jour par jour, depuis le premier jour, et tu pourras prendre un parti à ce sujet avec connaissance de cause. Je t’aime.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 56
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin