Paris, 23 janvier 1880, vendredi matin, 9 h.
Cher bien-aimé, bénie soit la première nuit que j’ai passée sous la même clef que toi. [1] Il me semble que c’est une nouvelle et suprême reprise de possession que j’ai fait de toi, et qu’elle nous portera bonheur à tous les deux. Déjà cette nuit a été pour nous deux beaucoup meilleure que les précédentes. Espérons que celles qui suivront leur seront supérieures encore. En attendant, soyons heureux de ce nouveau, et plus immédiat, rapprochement de nos deux personnes qui permet que les battements de nos cœurs soient plus près les uns des autres par ce saint voisinage. J’espère que Broca [2] et Émile Allix constateront tantôt une grande amélioration de ton état général sur celui d’hier. Mais pour ne pas laisser rouiller ma scie [3], je te fais souvenir que tu ne m’as pas donné d’argent, et que je suis déjà en retard avec ta cuisinière à laquelle je dois ce matin-même la somme de 202 F. 70 c. à cause des 85 F. qu’elle a avancés pour payer la note du gaz. Cela dit, je n’ai plus à ajouter que ce total qui est tout mon bien : je t’adore.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 23
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin