27 juillet [1847], mardi matin, 8 h.
Bonjour mon Toto, bonjour mon adoré Toto, bonjour toi, je t’aime et vous ? Si vous saviez comme j’ai besoin d’une culotte vous me la donneriez tout de suite, mon amour. Je ne me lasse pas de demander dans l’espoir que tu finiras un jour par prendre ce que je te demandea en pitié. Moi je voudrais que ce fût bientôt car voilà longtemps que j’attends. Tu vois que, loin de reculer devant la copie que tu me demandes, je viens au-devant d’un cœur ferme et courageux. Toi, fidèle aux mœurs du chien à Jean de Nivelle, tu t’en vas quand on t’appelle [1]. C’est peut-être très brave mais ça n’est pas très généreux. Malheureusement je n’y saurais rien faire. J’ai beau m’ingénier et me donner de la peine, je n’y peux rien. Peut-être ferais-jeb mieux de ne rien te dire et de m’en rapporter à ton bon vouloir naturel. Hélas ! j’en ai essayéc aussi et cela ne m’a pas mieux réussi. Décidément je ne sais plus à quel saint M’AVOUER [2]. Je n’ai même plus assez de confiance pour mettre ma culotte sous l’invocation de SAINT PANTALON. Je ne suis pas assez ANNE pour cela. Mme Triger seule pourrait se recommander avec succès à ce saint si bien culotté. Quant à moi, vous savez que je n’ai pour tout intermédiaire qu’hospice qui vient d’hôpital. C’est pour cela que je suis si chanceuse. Voime voime, la pauvre Chichi a beaucoup de GUILOTTE [3], autant que le pèred Adam avant la pomme. Taisez-vous, vilain homme. Toto est AILLEURS, ce n’est pourtant pas à ma culotte que je m’en aperçois.
Juliette
Leeds, BC MS 19c Drouet/1847/47
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen
a) « demandes ».
b) « ferai-je ».
c) « esseyé ».
d) « paire ».
27 juillet [1847], mardi, midi ¾
Je vais te voir tout à l’heure, mon Toto, cette pensée me rend toute joyeuse et me donne du courage.
Je viens de faire ton eau et je m’apprête à faire ma toilette malgré la mauvaise humeur évidente du temps et mon mal de tête traditionnel. J’irai t’attendre chez Mlle Féau au risque de m’y ennuyera beaucoup. Si tu veux, je partirai le plus tard possible afin de te rencontrer en chemin, mais je pense au contraire que je lui dois une visite depuis quinze jours et qu’il faut absolument que je la lui rende aujourd’hui. En réalité, si ce n’était pas ma station naturelle pour aller t’attendre, je lui aurais encore brûlé la politesse aujourd’hui.
J’espère que je te ramènerai de bonne heure et que tu resteras avec moi jusqu’à l’heure du dîner. Il y a bien longtemps que cela ne t’est pas arrivé, aussi je ne serais pas fâchée de me rabibocher un peu tantôt. Demain tu auras séance à la Chambre, mais non j’y pense, c’est fête à partir d’aujourd’hui jusqu’à jeudi. Tu auras donc tout le temps de venir auprès de moi si tu veux. Jeudi je donne congé à ma servarde pour aller voir la fête. Je serai seule, tout à fait seule ce jour-là, à moins que tu ne veuilles me tenir compagnie, ce que je n’ose pas espérer mais ce que je désire de toutes mes forces.
Juliette
Leeds, BC MS 19c Drouet/1847/48
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen
a) « ennuier ».