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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 juillet [1847], vendredi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour bavard, je ne vous dirai plus jamais rien. Je suis sûre que vous avez fait enrager ce pauvre Charlot jusqu’à extinction. Quant à Vacquerie, cela m’est égal mais je ne veux pas qu’on tourmente Charlot, je ne le veux pas.
Cher petit homme, je détourne ma pensée de tes tristes occupations d’aujourd’hui, comme si cela pouvait faire diversion à tes pénibles fonctions. Je sens que tu souffres et cela m’est insupportable. Je m’agite dans tous les sens pour échapper à cette préoccupationa et tous mes efforts m’y enfoncent davantage. Je voudrais que ce procès fût terminé [1] pour que tu n’aies plus à y songer que comme d’un malheur accompli. Cher adoré, je ne peux pas voir ta noble et douce figure triste, cela me bouleverse le cœur. Aussi j’ai hâte que la session soit finie pour te savoir tranquille. Il me semble que ce sera bientôt car enfin la saison est très avancée et vous avez eu une rude et douloureuse besogne à faire ces derniers temps.
Mon Victor, je t’aime, mon Toto, je suis à tes pieds que je baise. Je ne veux pas que tu sois triste et malheureux comme hier et tous les jours précédents.
J’espère te voir tantôt avant que tu n’ailles à la Chambre. Je vais me dépêcher de faire ton eau. D’ici là, je vous désire, je vous attends, je vous baise et je vous adore.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1847/45
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen

a) « préocupation ».


16 juillet [1847], vendredi après-midi, 1 h.

J’ai perdu tout espoir de te voir avant ce soir, mon doux bien-aimé, aussi je voudrais déjà être à ce soir pour marcher à côté de toi, pour te voir et pour entendre ta douce voix. Je t’ai dit les motifs qui font d’un trop long séjour dans l’église à l’heure où j’y vais ordinairement une gêne et un supplice pour moi. Cependant je ne voudrais pas pour tous les ennuis du monde manquer l’heure à laquelle tu sors de la Chambre, aussi je serai plus tôt que plus tard ce soir à Saint-Sulpice. Peut-être passerai-je chez M. Vilain pour lui dire d’aller chez toi ce soir car je crains que, d’après le peu d’encouragement que je lui ai donné hier au soir, il n’y aille pas. Cependant, je voudrais qu’il profitâta de ton bon vouloir à l’endroit de Cailleux dans la pensée que cela peut lui être très utile. D’un autre côté je craindrai de te manquer dans le cas où tu aurais fini plus tôt que tu ne pensesb et où tu viendrais au-devant de moi. Je verrai mon inspiration mais, tout bien considéré, à présent je crois que je n’irai pas. Je te l’écris d’avance parce que je ne veux pas rien faire, même ce qu’il y a de plus innocent, sans t’en avoir prévenu. C’est une douce habitude dont je me trouve si bien depuis quinze ans que je ne veux pas y renoncer jamais. Mon Victor, je t’adore.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1847/46
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen

a) « profita ».
b) « pense ».

Notes

[1Le général Amédée Louis de Cubières, dit Despans-Cubières, pair de France, impliqué dans une affaire de corruption, est condamné le 16 juillet à la dégradation civique et à 10 000 francs d’amende. Il sera réhabilité en 1852.

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